Loi de 1905 sur la laïcité. Les musulmans ont-ils seulement pu un jour en bénéficier?


Depuis des années, la laïcité ne cesse d’être érigée en un rempart face à la montée du sentiment musulman en France. C’est en son nom que l’on dicte la marche à suivre aux professeurs de l’unicité divine et que l’on tente d’organiser le culte musulman national. En opposition totale avec son texte de 1905 de référence, la laïcité, usée aujourd’hui pour contrecarrer le moindre battement de cil mahométan, était à son origine éludé, en territoire musulman conquis, à des fins exactement similaires. Retour sur une contradiction française qui en dit long.

Laïcité inclusive ou exclusive, ouverte ou fermée, devenue morale et même foi dixit Vincent Peillon, ce terme n’avait pourtant un siècle plus tôt qu’une simple portée juridique. Accordant liberté à l’Etat dans le domaine du temporel, et liberté aux Églises dans le domaine du culte, il était ainsi hors de question que l’un dicte à l’autre une quelconque conduite à adopter.

D’abord conspuée, elle fut ensuite rapidement adoptée par une Église voyant en cette loi un moyen rapide de sortir de l’emprise d’un Etat passé dans les mains d’anti-déistes et francs maçons notoires. La papauté de l’époque avait très bien pris conscience des finalités de cette dite loi de séparation, qui n’est en réalité rien de moins que le désir lointain de reléguer le fait religieux loin de toute temporalité. Mais plus en état de pouvoir faire front, fatiguée de guerroyer contre des forces anticléricales ayant juré sa perte, elle accepta de se nourrir des miettes que l’on voulut bien lui accorder. Garder le contrôle de son culte, c’était finalement déjà pas mal.

La France devient laïque. Et l’Algérie?

À la même époque, l’Algérie, colonisée par la France et occupée par des centaines de milliers de métropolitains en quête de soleil et d’arabes à civiliser, se voit elle aussi tombée sous le coup de la loi. Voyez-vous cela. Redonner la liberté de culte et la gestion de ce dernier à des individus dont la religion semble être le principal vecteur d’union et de force? Bien trop dangereux…

Le 27 septembre 1907, un décret rend la loi de 1905 caduque. Si régime d’exception il y a, autant aller jusqu’au bout! Et qui criera à l’injustice? Les juifs, libérés du statut d’indigène grâce au décret Crémieux? Non, la France s’est montrée bien trop bonne, pourquoi chercher les problèmes. Les catholiques? Surtout pas, ils sont en train de regagner une moitié d’indépendance qui leur a couté déjà assez de sang. De toute façon, qui voudrait bien venir en aide à des êtres dépeints comme des barbares, voleurs et sodomites…?

Jusque là, l’État français avait très bien réussi à gagner le contrôle du culte musulman dans toute l’Algérie dominée. La religion des conquis, et les français le savent, est une véritable force de mobilisation et de contestation. Elle n’est pas que rites et cérémonies, elle est un système de vie, englobant vie privée et publique, influant tant les décisions politiques que militaires. Se faire accepter dans la durée par des individus n’accordant de crédit qu’à la loi de Dieu va être très difficile ; les lois de la République et le culte de la déesse raison ne prendront pas, même en y mettant le plus beau des sourires. Faire de l’islam un christianisme bis, en le dépouillant de tous ses aspects temporels, devient alors une priorité.

C’est ainsi que seront achetés dirigeants et imams locaux en vue de promotionner ce qui sera déjà l’ancêtre de l’islam de France. L’apprentissage de l’arabe, du Coran et des sciences islamiques va se voir drastiquement freiné. Toute opposition religieuse va se voir matée dans la violence tandis que l’instruction nationale tombera dans les mains de colons français largement acquis à la cause laïque et universaliste. L’acculturation est totale et forcée, la lutte contre le radicalisme n’est pas à l’ordre du jour mais c’est tout comme, il s’agit pour le colon d’éradiquer toute propension à la résistance et à l’élévation spirituelle et savante chez l’indigène musulman.

La loi de 1905 aurait alors été en Algérie, l’occasion pour les musulmans de retrouver une certaine liberté quant à la gestion de leur culte. Chose qui aurait mis la France en grand danger, tant la loi aurait empêché toute possibilité au colon de pouvoir perpétuer la lente desislamisation de ses sujets comme elle s’était tant dévouée à le faire jusqu’ici.

La laïcité oui, mais pas en Algérie, et surtout pas pour les musulmans.

Une laïcité mutante?

Étrange contraste avec la situation que l’on connait aujourd’hui où cette même laïcité semble ne vouloir s’appliquer que sur ces mêmes musulmans, désormais passés en territoire ennemi. Un devoir de neutralité ayant muté en devoir de neutralisation où l’État vient, dans une posture des plus décontractée, expliquer maintenant au musulman comment il devrait manger, s’habiller et lire son Livre révélé.

Synonyme de perte de contrôle autrefois, elle est le seul moyen qu’à l’État de le garder aujourd’hui. La laïcité le sommant à la neutralité face aux cultes, l’État fit longtemps comme ci celle-ci n’existait pas, afin de continuer à pouvoir mieux contrôler le culte musulman à l’étranger. Voyant la visibilité musulmane croitre en métropole depuis 1989, redéfinie par les plus anti-déistes de nos intellectuels locaux, elle s’est rapidement transformée en un outil neutralisant le fait musulman. Le texte de 1905 étant le même, on pourrait aisément penser l’État finalement se contreficher de ce que dit vraiment la loi.

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Ainsi, si le sens donné à la laïcité a changé, se mutant en une morale dogmatique et intransigeante, on peut voir que la politique menée par la France à l’égard de l’islam et des musulmans s’est finalement toujours faite selon une ligne bien cohérente. Depuis bientôt deux cents ans, les autorités n’ont eu de cesse de chercher à confectionner une religion sur mesure, afin d’inviter les musulmans non pas à respecter les lois de la République, mais à ce qu’ils en adorent la teneur et la portée et les considèrent au dessus de tout.

L’objectif est d’ailleurs assumé. Combien de fois somme-t-on les musulmans de délaisser tel ou tel aspect de l’islam pour mieux prouver leur attachement à la République, ses lois et ses valeurs? Non content qu’ils puissent les respecter, dans une large mesure, il est souhaité être du devoir du musulman d’en intérioriser la teneur et en faire démonstration.

Un prétexte qui aurait pu en être un autre

L’idée a ainsi toujours été de faire de l’islam une religion ne reliant ses fidèles plus qu’à travers une croyance folklorique s’accordant sur quelques rites et cérémonies communes. Les actes et la Loi sont à chaque polémique attaqués pour être mieux dévalués, quand la croyance en l’Unique et au Parfait n’est permise que dans le cas où elle saurait côtoyer les idéologies séculaires modernes.

L’État français se moque d’être en accord ou non avec sa loi de 1905. Lui rappeler ses devoirs en l’attaquant juridiquement est certes un bon moyen de (re)gagner batailles et droits, mais le problème est bien plus profond. Il suffit d’étudier les faits et la politique qu’a toujours mené ce pays à l’égard des musulmans pour comprendre que la laïcité n’est qu’un prétexte de plus. Au nom du Christ, de la civilisation, du vivre ensemble, du respect des femmes ou de la laïcité, les luttes changent de nom mais l’esprit reste le même. L’islam est le problème, et tant qu’il ne se fera pas français (en se dépossédant de tout ce qui peut être sujet à gêne) il en restera un.

Ainsi, si l’on conçoit la laïcité comme étant un principe juridique permettant l’indépendance des Eglises et la liberté de culte, comprenons bien qu’il n’a jamais été question d’en faire profiter les musulmans, que ce soit ici en France, ou ailleurs. La loi de 1905, ce fut, dans les grandes lignes, pour les uns, mais surtout pas pour les autres.

2 réflexions sur “Loi de 1905 sur la laïcité. Les musulmans ont-ils seulement pu un jour en bénéficier?

  1. Analyse très cohérente…

    Ceci dit nous sommes toujours en Guerre .. l’Algérie française n’est pas fini …
    Et elle n’est pas prête de finir ….

    Si les accords d’Évian ne sont pas remise en cause .. et que l’Algérie ne proclame pas son indépendance totalement….

    Elle restera enfant de la France soumise … et contrôlable

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