Faire aimer la France aux musulmans?

Alors que des millions de français fêtent les victoires successives de l’équipe de France en cette coupe d’euro 2016, heureux et fiers de leur pays, d’autres s’attristent de ne pouvoir justement se réjouir du contraire.

Des français découvrent sur Facebook et twitter des êtres au noms des plus arabisant, ostensiblement musulmans, continuer de faire dans la détestation de ce pays qui leur a pourtant tout donné.

Mais pourquoi tant de haine ?

Un sentiment d’appartenance très flou

Peut-être le musulman, ce musulman qui nous intéresse ici, a t-il le sentiment de ne pas tout à fait appartenir à cette communauté nationale, faite de valeurs, de principes et d’idéaux trop souvent érigés contre lui. Peut-être a t-il l’impression que lorsque l’on parle de lui, ce n’est souvent qu’en mal ou en vue de pousser ses voisins à le haïr. Surement a  t-il le sentiment que l’on ne veux tout simplement pas de lui ici.

Des débats qui le cible

Ces dix dernières années, nous voyons les débats sur l’identité se multiplier, animés par des personnages cherchant plus à se construire face à ce musulman qui semble si sûr et à l’aise dans sa peau, qu’à véritablement établir une identité commune dans laquelle l’ensemble des citoyens pourraient se retrouver. Qu’est ce qu’être français? A en regarder les conclusions qui en sortent, on peut en conclure que ce n’est finalement surtout ne pas être musulman.

Un faible degré d’attraction

Face à une religion forte de valeurs, principes, rites et faisant la promotion d’une vie en phase avec un Livre promettant à l’intéressé un Paradis infini, dur pour la France, comme pour n’importe quel autre pays porteur d’un projet civilisationnel, de séduire le musulman en question.

 »Les valeurs de la République, pour autant que l’on puisse s’accorder sur leur contenu, ne comporteront jamais un degré d’attraction suffisant pour épouser tous les ressorts de la personnalité humaine. Elles s’adressent à la raison et non au coeur, elles dictent une conduite morale mais n’enracinent pas les personnes dans une histoire faite d’aventures, de défaites et de renaissances. Elles ne proposent, enfin, aucune figure de héros qui puisse constituer un modèle à imiter. Pour importantes qu’elles puissent être, les valeurs de la République ne sauraient remplacer la transmission d’un patrimoine culturel et charnel qui nous constitue dans notre identité et nous rassemble dans un même amour partagé. »(1)

Si l’on rajoute à cela une histoire difficilement justifiable, et en particulier à l’égard des parents de ce même musulman, il faudra plus que des lois et des débats semant la division pour pousser les musulmans à aimer celle qui ne cherche que finalement que peu à l’être. 

Des médias qui le pointe du doigt

Entre 4 et 8 millions de musulmans en France, et les médias semblent agir comme si aucun d’entre eux n’avaient de télévision, ou ne lisaient de journaux, ou disposaient d’une connexion internet. Pas une journée ne se passe sans que l’on parle d’islam, sur fond d’explosions, de sang et d’hommes criant Allahou Akbar devant des caméras. Des spécialistes viennent expliquer à un auditoire conquis d’avance, la potentielle dangerosité de ces voilées et barbus envahissant nos quartiers populaires. Un sportif qui prie dans les vestiaires, une convertie qui se voile, un patron offrant des tapis de prière à celles et ceux souhaitant prier dans ses locaux ; autant de profils dont le français moyen est censé s’inquiéter.

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Des médias qui se moquent de lui

Pour appuyer le tout, on laisse la porte grande ouverte aux repentis ayant abjurés leur foi pour embrasser la laïcité et le républicanisme. Des beni oui oui, nègres de maison, parfait démonstrateurs de l’horreur que représente l’islamisme (comprenez l’islam dé-laïcisé, ne distinguant pas l’Etat et la mosquée, imprégnant la vie du croyant du lever au coucher), sont conviés à s’exprimer sur ce que serait l’islam et surtout sur ce qu’il ne serait pas. Eux sont les bons, les autres sont les mauvais.

Entre suspicions et sommations

En face, le musulman, s’acquittant de ses devoirs religieux, se sentant concerné, voit les regards changer à son égard. Tout ce qu’il laisserait entrevoir d’islamique dans son apparence, son parler, ses rites et son éthique devient ainsi synonyme de radicalité. On le somme de désavouer les meurtres des uns et des autres commis au nom de l’islam, d’avouer son amour pour les valeurs républicaines, et de faire de sa religion une affaire privée.

La religion, cet ennemi républicain

Car la religion en France laïque, c’est pas bien, c’est vilain, c’est contre nature et oppressant. Et l’islam d’autant plus. Face au fait religieux, la laïcité. Une laïcité que l’on déifie et édifie en morale des plus intransigeante. N’es tu pas laïc ? Non ?? Tu n’a donc rien à faire ici. De la neutralité en veux tu en voilà, des lois de plus en plus restrictives. Mais pour le bien de tous, car sans neutralité, sans la disparition du fait religieux en société, rien ne va plus… C’est en tous cas ce que certains aimeraient que tout le monde pense.

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Il pose problème

Le musulman devient l’obstacle majeur à ce prosélytisme laïc. Sa nourriture, ses lieux de culte, les vêtements qu’il porte et (surtout) ceux qu’elle porte, ses associations, ses écoles, ses préférences artistiques, sa façon d’interagir avec l’autre. Tout semble poser problème, et tout le monde semble de concert pour l’envisager comme un véritable ennemi de l’intérieur. Il est différent, et la différence, ce n’est pas bon pour la cohésion sociale. Des sociétés pourtant multi-centenaires, l’Inde, l’Ethiopie, les Etats Unis ou le Brésil, ont connus le multiculturalisme et la pluralité des identités religieuses, non pas sans heurts, certes, mais sans que cela n’empêche ce fameux vivre ensemble tant recherché. Mais est il seulement vraiment recherché..?

Un véritable deux poids deux mesures

Le musulman voit en plus qu’on accepte à des communautés religieuses, sexuelles ou politiques autres que la sienne des choses que l’on ne tolère pas chez lui. Adapter les rattrapages d’examens en dehors des fêtes religieuses? Aucun problème pour les élèves juifs, il fallut attendre la chose coïncider avec la fête de l’Aïd pour que ça face polémique. Avoir son commerce halal? Oula malheureux, il y en a déjà bien trop, fait dans le casher, le bio ou le vegan et il n’y aura point de soucis. Il entend parler d’égalité ici et là, en long en large et en travers. D’une égalité qu’il ne respecterait pas car voilant sa femme, mais une égalité qu’on lui nie dès qu’il s’agit d’obtenir les mêmes droits que quiconque.

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Pourquoi elle, a droit de s’habiller comme elle le souhaite (mini short, jupe courte, décolleté plongeant) et pas moi? Pourquoi lui à droit de réclamer une nourriture adaptée (vegan, végétarienne, casher) et pas moi? Pourquoi eux, ont-ils le droit de porter barbe et pantalon retroussé (hypster) et pas moi? Eux c’est pour le look, le confort, leur bien être personnel, toi c’est pour la religion. Et la religion, on l’a déjà dit, c’est vilain pas beau pas bien.

L’islam de France

A défaut d’une apostasie tant souhaitée, on vend à ce musulman un islam light, un islam de France, qu’on lui somme d’accepter sous peine d’être marginalisé, ou au pire, fiché S. Tout ce qui ne cadre pas avec les valeurs de la France doit être abandonné. Ta barbe, ton voile, le prénom arabe de tes enfants, ta nourriture halal, ta prière faites à l’heure, tes prêches en arabe, ç’en est trop. Inutile d’en faire un tableau, cet islam de France n’a finalement d’islamique que le nom, et en dehors des politiciens et intellectuels laïco-démocrates, ou de blédards envieux de papiers français, peu de musulmans semblent vraiment séduits par l’idée.

Le musulman est-il seulement un français comme les autres?

Il a beau faire tous les efforts du monde, respecter l’autre, respecter la loi, étudier, travailler, tenter le dialogue, on attends de lui constamment plus. Il faut qu’il se réforme, qu’il réforme sa religion, qu’il s’adapte, qu’il dénonce, qu’il fasse des efforts, qu’il désavoue ceci ou cela, qu’il soit discret, qu’il ne réclame pas, qu’il critique les musulmans trop musulmans ou pas comme il pourrait l’être lui, qu’il efface du Coran ce qui ne plait pas, qu’il fasse ces cinq prières chez lui, qu’elle porte son voile chez elle, qu’il soit pour le mariage pour tous, qu’elle soit pour plus de laïcité, quand bien même celle-ci soit constamment utilisée contre elle.

Un individu à qui on demande tant de choses pour pouvoir justifier sa présence sur un territoire donné, ou des droits similaires, peut-il seulement se sentir accepté et en capacité de pouvoir soutenir un Etat et des gens resserrant d’années en années l’étau autour de sa tête? Il ne suffit pas d’un système social pourvoyant aux besoins de tous, d’allocations, et d’un niveau de vie plus haut qu’ailleurs pour se sentir à l’aise et faisant parti d’un tout. Il ne suffit pas de diaboliser les pays musulmans, mettre en avant leur retard ou leurs failles, pour faire croire au musulman qu’il est mieux ici.

De là toute la difficulté, souvent incomprise, à ce que beaucoup de musulmans puissent se sentir pleinement français.

Entre attentes et polémiques

On a vendu au monde entier un modèle de liberté, d’égalité et de fraternité qui ne marche que pour certains et pas pour d’autres. Si il est encore possible de pouvoir pratiquer sa religion en France moyennant compromis, patience et combats, il est clair qu’une pratique assidue, aussi inoffensive, et respectueuse de l’autre et des us et coutumes locales soit-elle, semble de plus en plus difficile à défendre.

Un récent sondage montre que trois quart des français ont un problème avec l’islam en France. Les candidats à la présidentielle rivalisent de propositions restreignant d’avantage encore le culte islamique, et chaque semaine à son lot de polémiques au sujet de l’islam. Les musulmans sont ainsi de plus en plus nombreux à se sentir marginalisés, ostracisés, et tentés par se replier sur leur seule communauté.

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Se sentant véritablement haït par tout un pan de la population, on continue pourtant d’attendre de ce musulman qu’il tremble d’éloges et d’amour face à la France, et ses idéologies lui faisant front.

Aimer ou sa faire aimer

Comment faire aimer la France aux musulmans? Que la France se montre plus plaisante à voir et à vivre, et plus respectueuse de ses principes pour commencer. Qu’elle prenne d’ailleurs exemple sur les nations anglo-saxonnes pour ne citer qu’elles. Qu’elle comprenne que pluralité des individus n’est nullement synonyme de chaos et d’inégalité. Qu’elle accepte que la différence existe et que sa vision de l’Homme et du monde n’a pas à être acceptée inconditionnellement de tous.

Actuellement, la France souhaiterait se faire rejeter par sa population musulmane, elle ne saurait s’y prendre autrement. 

Mais n’attendons pas inutilement une chose qui risque de mettre du temps à arriver, ou ne pas arriver du tout. Tournons plutôt la question dans l’autre sens. Ne serait-il pas plus productif que de chercher à comment faire aimer l’islam, aux français et à la France, sans distorsion, compromis écrasant, ou langue de bois? Tout le monde aurait à y gagner si l’intention se fait sincère. Là est peut-être un chemin plus louable et à la portée de tout à chacun.

Et il y a du travail…

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