L’islam c’est pas ça

Invectivant le jeune Mounir sur sa religion, Daniel persuade son auditoire faisant face à la machine à café de son bureau que les terroristes ne font rien d’autre que d’appliquer l’islam dans son intégralité. Non, c’est pas ça l’islam! lui rétorque Mounir. Il n’en fallut pas plus pour voir Daniel convulser et sortir sa paire d’as :  »et ce verset : Tuez les où que vous les trouviez, tu en fais quoi? ». Un morceau de verset, rien de plus. Mounir ne sait plus quoi répondre si ce n’est de lire le Coran en entier pour s’en faire une idée globale, mais lui-même ne l’a jamais lu. Pas plus que Daniel, qui ne connais du Coran que ce que Michel Onfray en a dit.

Souhaiter dédouaner l’islam de certaines hérésies ou se dédouaner d’un islam dont on se saurait l’hérétique est un jeu dangereux. Si l’islam n’est pas ça, qu’est-ce qu’il est? Son contraire, une partie de celui-ci? Affirmer qu’une chose n’est ce que l’on dit d’elle nécessite de savoir ce qu’elle est vraiment. Et c’est là que la bas blesse.

Peu savent vraiment ce que dit l’islam de ceci ou de cela, et c’est souvent ceux qui en savent peu qui en parle le plus. Balayer d’un revers de la main une chose que l’on ne souhaite pas voir être imputée à l’islam reflète parfaitement cette vision binaire qu’ont de nombreux musulmans de leur religion. Bien pas bien, halal, haram. Une binarité que l’on ne retrouve ainsi pas que chez les plus extrémistes et terrorisants, mais tout autant si ce n’est plus chez les plus modérés des musulmans, comme on aime à les appeler. Chacun s’estimant apte à savoir qui pratiquerait correctement sa religion ou pas. Ou comment l’usage déconvenue du takfir devient un procédé transversal, usé désormais de tous. N’est pas bon musulman celui n’étant pas comme moi, l’un parce que pas assez, l’autre parce que trop.

Cette manière de désavouer l’islam de l’autre n’a malheureusement que bien souvent pour effet de nourrir le rejet dont les musulmans sont déjà victimes. Si l’on peut légitimement clamer que sommairement assassiner des inconnus dans la rue ou dans une gare n’a effectivement pas grand chose à voir avec l’islam, étendre ce procédé à l’ensemble de ce que l’islam aurait de visible ou dérangeant les uns ou les autres est une toute autre affaire.

L’islam de l’autre

Pestiférer que l’islam ce n’est pas ce long voile noir, cette barbe fournie, ce refus de serrer la main au sexe opposé ou d’écouter de la musique, c’est servir sur un plateau d’argent ce que d’autres attendent. Des raisons pour s’en prendre à ces musulmans qui n’en seraient finalement pas vraiment, sans risquer de se faire traiter d’islamophobe, justement parce que l’islam ce n’est pas ça. Ça, c’est l’intégrisme, le radicalisme, le fondamentalisme religieux. En statuant de la pratique des uns et des autres, ces musulmans nouveaux ne font que conforter les esprits hostiles à l’islam en les dotant d’une caution qu’ils estiment du coup pleinement légitime. La caution musulmane. Ce copain musulman qui dit que l’islam c’est pas ci ou ça. Mon ami musulman m’a dit que..

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Si certains s’en vont à affirmer ce que serait ou ne serait pas l’islam avec conviction et assurance, pour d’autres il s’agit plus de ne pas avoir à se mouiller ou à prendre des risques qu’autre chose. Peur de perdre son travail, de brusquer des connaissances, d’avoir à se justifier ou défendre une religion trop lourde pour ses petites épaules. Peur d’incarner l’objet des cauchemars de ses voisins incroyants et qu’il puisse se voir délatter aux services sociaux. Des problèmes, ce musulman n’en veut pas. Il se tait et acquiesce parfois le pire pour ne pas perdre la face devant ses ouailles. Lui saurait répondre ce qu’est l’islam, mais la peur le paralyse. Il suffit parfois d’une seule situation embarrassante, pour que ce musulman, sous la pression de cette chape de plomb laïco-conformiste, se mute en véritable négationniste.

Juger du statut d’une chose en islam revient à ceux disposant du savoir nécessaire pour le faire et à personne d’autre. Si tout le monde s’y met, c’est la cohue et le désordre. Les crispations qui se sont faites très denses autour de la loi contre le voile intégral en sont un parfait exemple. On a pu entendre quantité de musulmans affirmer avec aplomb que ce voile n’avait rien à voir avec l’islam. C’est l’islam des talibans, des wahhabites! Que l’on apprécie la chose ou non, quantités de textes et même de photos de la fin du XIX ème siècle nous montrant que cette pratique n’était pas minoritaire, sont pourtant là pour nous prouver le contraire. Chacun s’était alors permis de faire prévaloir ses choix et opinions personnelles, sans aucun recul historique et étude textuelle.

Ce procédé n’est rien de moins que l’un des fruits pourris de notre époque que de se précipiter dans les jugements, de procéder à l’étiquetage de chaque chose et d’y porter un regard dépourvu de nuances. L’islam est un tout, il n’est pas que paix ou guerre, modération ou extrémisme. L’islam s’apprend, se vit au quotidien, et peut se vivre de manière différente, autour des fondements et piliers connus de tous.

À l’inverse de ce qui a été dit, et au risque de rentrer en contradiction apparente avec les lignes précédentes, nous pouvons affirmer avec tout autant d’aplomb, que l’islam, ce n’est non plus pas cette religion à la carte, invisible et muable selon les oppositions qui lui font face, s’écrasant à chaque sourcil qui se fronce.

Non, assurément, l’islam, ce n’est pas ça!

 

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