Quand la République massacrait ses prêtres

1789, la déclaration des droits de l’homme est rédigée. Elle accorde enfin la liberté de culte aux juifs et protestants. Mais l’Etat est endetté, et ce sont dans les poches du clergé catholique qu’il ira fouiller. L’Eglise va être complètement réorganisée, sans être concertée, ses biens vont lui être confisqués et les prêtres fonctionnarisés. Début d’un divorce ensanglanté.

Les laïcs prennent le pouvoir

Après des siècles d’influence et de prospérité, de vilaines dominations diront d’autres, les catholiques se voient, avec la Révolution bourgeoise se dessinant sous leurs yeux, peu à peu écartés de toutes les places fortes dont ils pouvaient bénéficier jusque là.

La bourgeoisie montante, composée de rousseuistes et voltairiens, et surtout d’anti-cléricaux dévoués, profitent de leur rapide ascension au pouvoir pour mettre à bas leur plan : christianiser la France.

Se constituant en Assemblée, les révolutionnaires, dictant désormais la conduite à suivre au futur décapité j’ai nommé le Roi Louis XVI, vont placer l’Eglise sous leur domination en édictant la fameuse Constitution civile du clergé.

Mise sous tutelle de l’Eglise et des catholiques

Après la proclamation de la République, l’état civil est confié aux mairies, et les membres de l’Église ne sont désormais plus autorisés à enregistrer naissances, baptêmes, mariages et décès. Condorcet va dans un même élan proposer de faire éliminer de l’instruction toute influence dogmatique et plus particulieremrent religieuse.

La convention civile du clergé rejetée par le Pape Pie VI, de nombreux prêtres refuseront de prêter serment. Plus de la moitié, selon les chiffres avancés. Dans les mois qui suivent, les réfractaires vont se voir traqués tels des hérétiques à travers tout le pays. Des lois sont votées en vue de mater la rebelion. Désormais, un prêtre peut se voir dénaturalisé si dénoncé par 20 citoyens ou pour cas de trouble.

Le Jihad républicain prend forme

Le 10 aout 1792, la monarchie n’est plus. Les premiers massacres de religieux commencent … un 14 juillet. l’Assemblée Constituante décrète peu de temps plus tard, l’exil hors du Royaume pour tous les réfractaires. Ils vont être des dizaines de milliers, à se voir sommés de quitter la France dans un délai de 15 jours.

Les prêtres arrétés vont être envoyés en Guyanne, en Espagne ou en Afrique. Entassés dans des négriers, beaucoup périront de maladies au cours des voyages. Les autres, pour la plupart, se verront enfermés dans les prisons françaises.

À la chute de Verdun et suite au discours de Danton sur les traitres, ce sont ni plus ni moins 223 prêtres qui vont être égorgés dans les prisons de Paris un même jour. Tout le mois de septembre 1792, par dizaines, des prêtres seront jugés dans ce qu’on appelera des comissions populaires. La mise à mort est exprimée via l’expression à la Force, supposant un transfert simple à la prison du même nom. Mais dès le seuil de la prison passé, les prêtres réfractaires tombent alors sous les piques et les baïonnettes des révolutionnaires. Des centaines d’entre eux vont ainsi finir froidement exécutés de la sorte.

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L’année suivante, Carrier, alors représentant du peuple est envoyé dans l’ouest de la France, foyer des contre-révolutionnaires, afin de vider les prisons surpeuplées. En juin 1793, au prétexte fallacieux d’une invasion anglaise, il fait sortir les prêtres, femmes et paysans enfermés. Il les fait embarquer sur des barques à fonds plats, pour ensuite les faire couler au milieu de la Loire. Des milliers de personnes périssent dans ce qui sera appelé par ses bourreaux la baignoire nationale. 2000 mourront rien que dans la semaine de Noël. Carrier fait également fusiller ou guillotiner des centaines de personnes dans une plaine à côté de Nantes.

L’interdiction du culte chrétien privé comme public qui se profilait s’officialise.

Des prêtres vont être forcés au mariage, des églises, croix et images religieuses seront détruites. Des arrêtés sont pris afin d’interdire toute manifestation extérieure de culte, et les convois funéraires et cimetières vont être déchristianisés. L’évêque de Paris est même forcé d’abdiquer sa foi en public. Des tombeaux, notamment ceux des premiers rois de France sont profanés, le corps du roi Louis XIV va même être jeté dans de la chaux vive.

Les messes se disent alors dans les bois, les manifestations publiques religieuses sont plus que jamais bannies. Des croix sont ôtées des édifices et écoles. En même temps, les exécutions sommaires  continuent, et la guillotine, fraichement sortie des ateliers, verra sa lame trancher la tête de plus en plus de vieux prêtres peu dociles.

En plus de deux ans ce seront près de 45 000 personnes qui seront ainsi guillotinées dont seul 17 000 suite à un procès. Des milliers d’autres seront tués via canonnades, fusillades ou à coup de massues.

On estime à plus de 8000 le nombre de prêtres et membres du clergé divers exécutés.

Une foi laïque qui se déssine déjà

En parralèle à tout cela, un véritable culte de la Nation et de la raison est instauré avec accord tacite des révolutionnaires. Notamment à Paris. La Commune va aller jusqu’à s’emparer de Notre-Dame, la rebaptisant temple de la Raison, y invitant la Convention pour assister à une représentation de la fête civique. D’autres processions de ce genre vont suivre. Quelques jours plus tard, des citoyens s’en vont féter l’Unité, revêtus d’ornements sacerdotaux, chantant et dansant devant la Convention. D’autres églises vont être transformées en entrepôt ou dépotoir, quand elles ne sont pas pillées et détruites.

On substitue même au calendrier grégorien un calendrier républicain, abandonné quelques années plus tard. Des noms de communes et de lieux sont supprimés au profit de noms plus laïques et de fêtes civiques sont instaurées en remplacement des fêtes religieuses existantes.

En quelques mois, le catholicisme devient un véritable parasite à éliminer. L’idéal des Lumières est instauré avec force et violence, croire en Dieu devient une aberration à effacer des consciences.

Le calme après la tempête

Passé cet élan de folie, Robespierre et Danton vont arriver à ramener les plus radicaux des révolutionnaires à la raison et mettre fin à cette déchristianisation violente, en reconnaissant ainsi l’existence de l’Être Suprême et de l’immortalité de l’âme. Mais cela n’empêchera pas la terreur de s’installer. La Vendée, et plus généralement tout l’ouest de la France, va être le théâtre de violences inouïes, qui pendant 3 ans entrainera la mort de 200 000 personnes, mortes au combat ou éxécutées.

En 1794, la Constitution civile du clergé est finalement supprimée, et il y a maintenant une première séparation de l’Église et de l’État. Certaines libertés de culte sont restaurées mais les processions, sonneries de cloches et habits ecclésiastiques restent toujours interdits.

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Il faudra attendre encore quelques années et Napoléon arriver au pouvoir pour voir les catholiques souffler un peu. Le corse en aura en effet plus après les musulmans, qu’il s’évertuera à dominer et asservir via l’Égypte au début du XIXème siècle, signant les prémices à la lente et durable colonisation française en terre arabo-musulmane.

Jésus revient!

Deux siècles plus tard. Il est ainsi très ironique de voir tous ces républicains et laïques confondus prendre aujourd’hui le parti de l’Eglise face aux méchants islamistes aux lendemains de l’exécution brutale du prêtre Jacques Hamel. Ces mêmes républicains et laïques ostentatoirement dé-christianisés et prenant habituellement pour référence une époque, la Révolution, qui vit couler le sang des mêmes qu’aujourd’hui ils cherchent à défendre. Un sang dont ils semblent bien s’accommoder. Des dommages collatéraux diront certains.

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Jacques Hamel, égorgé par deux soldats daeshistes le 26/07/2016

S’il est tout à fait normal que la caste politique s’émeut d’un tel meurtre sur le sol français, on ne peut que déplorer l’hypocrisie manifestée dans les discours. On entend des élus et personnalités politiques de tous bords rappeler les racines chrétiennes de la France et exprimer leur colère face aux persécutions que peuvent vivre les chrétiens d’Orient.

C’est vraiment oublier que la République française, laïque et égalitaire s’est construite dans le sang, celui de centaines de milliers de français et catholiques, dont des milliers de prêtres, égorgés, guillotinés, noyés ou fusillés.

C’est oublier que la France que l’on connait aujourd’hui a véritablement tenté d’éliminer toute trace du catholicisme en l’espace de quelques années, comme aucune autre nation, aucun autre peuple, aucune autre religion ne l’avait fait auparavant.

C’est oublier que tout fut fait pour faire de l’Église une vulgaire institution sans prestance, légitimité ni influence. Oublier, que c’est cette France qui a fait que les églises soient aujourd’hui si vides de monde.

Depuis quelques années, avec la montée du sentiment musulman dans les consciences de toute une jeunesse, les laïques et républicains se retrouvent soudainement un attachement à la religion du Christ. Cette foi laïque, cette morale républicaine ne suffit plus à faire face à cette revivification islamique se déssinant sur le territoire national, d’où surement un retour opportun vers une tradition plus lourde de valeurs et de symboles.

Un mélange des genres qui aboutit à une situation quelque peu incohérente. On voit ainsi les journalistes justifier par tous les moyens la venue du Chef de l’État dans une Eglise, comme si celui-ci commettait un délit. L’on vante ici la laïcité comme véritable ciment républicain et là un christianisme faisant partie intégrante d’une identité française plus que millénaire. Une laïcité certes, fille de l’Église, mais portée depuis en religion de substitution à toute autre croyance transcendantale.

Les hommes politiques sont depuis longtemps aux antipodes de la neutralité en terme de religion, surtout quand il s’agit d’islam, mais de là à les voir mêler deux identités antagonistes en des moments pareils, ils vont finir par perdre leur auditoire ne comprenant plus trop ce en quoi l’identité française consiste.

Les jacobins et sans culottes d’antan n’y croiraient en tout cas pas leurs yeux. La République, qu’ils ont bâti à coup d’êtements et de balles dans le coeur, en train de rendre gloire à un prêtre...

Décidément, ils sont vraiment fous ces gaulois!

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