L’UOIF. A prendre ou à laisser

 

Fédération musulmane française créée en 1983, et membre depuis 2003 du CFCM, l’UOIF a sur le papier presque tout pour elle.

Souhaitant fédérer l’ensemble des musulmans de France, elle rassemble aujourd’hui plus de 250 associations cultuelles sur le territoire français et contrôle presque autant de mosquées. Elle organise chaque année ce qu’on appelle communément le congrès du Bourget permettant à des centaines d’entrepreneurs et militants associatifs de se faire connaître, et chapeaute la direction de plusieurs établissements scolaires. Multipliant les rencontres et conférences, elle a aussi été à l’origine du premier institut islamique de France formant ainsi les imams de demain. Elle organise également chaque année un concours national de mémorisation du Coran. Dirigée en amont par l’UOIE, composée de près de 30 savants et imams, se chargeant de répondre aux questions et attentes des musulmans d’Europe, l’UOIF essaie ainsi de devenir le pôle éducateur d’une jeunesse musulmane française nécessiteuse de repères et réponses crédibles.

La démarche se veut très noble. Elle aurait pu être très efficace. Elle aurait pu car elle ne l’est finalement que peu.

L’UOIF aurait pu…

L’UOIF aurait pu se faire force de proposition, militante et engagée. Contre les lois liberticide anti-voiles, le terrorisme anti-musulman en Palestine, en Birmanie et en Centrafrique, ou contre l’usage de plus en plus islamophobe de cette liberté d’expression à deux vitesses. Elle a souvent préféré se taire. Le pragmatisme et le silence peut être parfois utile, mais à trop se faire discret on finit par ne plus se faire entendre du tout. Surtout lorsque les communiqués s’enchainent quand les drames touchent d’autres communautés. On se souvient de membres du CFCM et de l’UOIF partis en Irak défendre la libération d’otages français en 2004, ou de plusieurs de ces membres se déclarer être Charlie aux lendemains des attentats.

Où étaient-ils pendant l’état d’urgence ou lors des bombardements d’Alep? A croire qu’ils ne se manifestent que lorsqu’ils sentent la pression des puissants peser sur leur dos. Lorsqu’un temps de parole leur est accordé, le militantisme est souvent absent et aucune prise de position claire n’en ressort. Sommer de dénoncer le terrorisme à chaque apparition, glorifiant la laïcité et les valeurs républicaines quand bien même usées pour affaiblir les musulmans, les pontes de l’UOIF se rabaissent d’avantage à chaque interrogatoire télévisuel, les éloignant de plus en plus de leur auditoire de base. N’est pas le CRIF qui veut.

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L’UOIF aurait pu se montrer exemplaire si elle n’avait pas mis en exergue autant de failles internes. En cultivant l’esprit carriériste et se battant pour les postes les plus gratifiants, on raconte que les dissensions internes sont nombreuses. A l’image de certaines mosquées qu’elle préside, les conflits d’anciens cherchant à se faire calife à la place du calife sont monnaie courante. Après de nombreuses années passées à se mouvoir dans la machine libéralo-islamique qu’est devenue l’UOIF, certains en ressortent décidément très remontés. Farid Abdelkrim et Mohammed Louizi, nous racontent ainsi dans leurs ouvrages respectifs comment ils en sont passés du stade de l’islamiste, comprenez musulmans de tendance fréristes, lorsque membre de l’UOIF, à celui de musulman modéré bien gentil et propre sur soi, intégré et républicain. Ces derniers, comme les ex membres des Renseignements Généraux à travers quelques ouvrages, décidément très renseignés, ont très bien mis en lumière les multiples tensions internes et les motivations loin d’être désintéressées de certains d’entre eux.

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L’UOIF aurait pu devenir une alternative aux diverses tendances antagonistes se disputant le monopole de la vérité sur le territoire. En situation de minorité dans un contexte comme celui de la France, il parut nécessaire d’avoir des gens de sciences maitrisant le contexte et les réalités contingentes. On aurait pu penser la chose faite, avec ce comité de savants s’assurant de promulguer des fatwas pour les musulmans d’Europe et cet institut islamique fondé en 1991.

Mais les quelques exemples qui en sortent sont loin de faire l’unanimité. Idéologiquement proches des Frères Musulmans comme de certaines autorités religieuses du Maghreb, la grille de lecture de ces derniers, mêlant citoyenneté active et orthodoxie asharite n’est pas du goût de tous. Dans les mosquées estampillées du logo UOIF, les imams changent mais se ressemblent. Ils appellent à voter aux élections présidentielles, se font critique d’une certaine visibilité musulmane trop gênante à leur goût, défendent à chaque veille du ramadhan l’usage du calcul astronomique pour en déterminer le début. Ils appellent régulièrement à manifester le désaveu des musulmans du terrorisme et conspuent le salafisme et ce qui s’en approche à longueur de prêches.

Plaidant pour une relecture des textes, les avis religieux mis en avant sont souvent minoritaires, et choisit dans l’unique but d’adapter la pratique musulmane dans le cadre d’une France de plus en plus laïque. Si des choses peuvent se discuter, il aurait été bon, pour se faire plus fédérateur, de ne plus se faire les chantres des Frères musulmans, de privilégier l’union de tous les musulmans et d’éviter de plébisciter ce tristement déjà célèbre islam de France.

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Formant les futurs imams en et de France, laïques et assimilés, l’UOIF en est devenu la plate forme privilégiée des futurs ex-islamistes, musulmans modérés et assimilationnistes. A force d’accommodements, de chercher l’avis religieux validant le virage islamophobe du système, certains finissent par ne plus avoir de croyance et dogme du tout. Certains s’en vont même jusqu’à ouvertement chercher à conjuguer les valeurs laïques à l’islam, en tordant le coup à la législation islamique, défiant les fondements mêmes de la religion musulmane et de ses sciences.

Pourtant, les critiques émanant du camp laïque et des partis politiques ne manquent pas. Traités d’extrémistes et même d’organisation terroriste par les Emirats Arabes Unis, l’UOIF se voit constamment contraint de devoir montrer patte blanche.

Pour couronner le tout et appuyer le virage gallicaniste de l’islam vu par l’UOIF, son président, Amar Lasfar a ainsi fait il y a quelques mois cette merveilleuse déclaration devant les caméras :

 »Ma charia, ce sont les lois de la République. La charia des musulmans de France, ce sont les lois de la République… Liberté, démocratie, laïcité vont permettre à l’islam de vivre une expérience inédite en France » avant de conclure qu’en France  »Nous baignons dans un cadre de liberté ».

Il nous aura au moins prévenu.

Quand bien même de nobles personnalités furent partie prenante des activités de l’UOIF et que de nombreux événements dont ils furent à l’origine purent être bénéfiques, on ne peut rester de marbre face aux dérives de cette instance vieillissante et de plus en plus déconnectée des réalités. Fédérer les musulmans n’est bien sûr pas facile, et nul doute que cette entreprise ne peut se faire sans erreurs. Mais à force de troquer certains fondamentaux de l’islam pour quelques mondanités, l’UOIF risque de mettre en danger, non pas que ces représentants, mais les musulmans français dans leur entièreté.

Si l’UOIF veut regagner une certaine légitimité dans le cœur des musulmans, il va falloir revoir plusieurs points. Rajeunir et diversifié ses effectifs, changer de fonctionnement interne et surtout, revenir à une vision de l’islam plus orthodoxe, moins partisane et réellement soucieuse des intérêts des musulmans à long terme.

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