Le président Hollande l’avait affirmé après les attentats de novembre 2015, la France est en guerre.
Contre qui? Un ennemi invisible, l’islamisme radical, contre celles et ceux menaçant notre train de vie et nos valeurs.
Dans une guerre il y a la riposte. Ils nous frappent, nous les frappons. Qui a commencé? La réponse est toute trouvée mais la sauvagerie du terrorisme islamique a ça d’efficace qu’il fait oublier rapidement le passé à quiconque le souhaite. Ainsi, frappons, frappons allégrement ces êtres loin de nous, loin des regards.
Mais pour frapper fort, il ne suffit pas de disposer d’armes et de moyens matériaux des plus efficaces. Il faut de la conviction.
Vers une radicalisation républicaine
N’offrant plus de modèle civilisationnel cohérent, consistant et pérenne, la France peine à trouver amour dans le cœur de ses enfants. Il y a bien la ferveur sportive d’un soir, l’art et la culture française, un certain bon vivre et ce modèle laïque unique au monde. Mais on le voit, de plus en plus, le français moyen le remarque, sa démocratie, ses valeurs républicaines trop floues, sa prétendue supériorité intellectuelle et culturelle peine à trouver place en lui et surtout en l’autre, ailleurs.
La menace islamiste, ou la menace de l’islam tout court, sert ainsi de miroir déformant. Si je doute de mon identité, si je ne sais plus qui je suis, je n’ai qu’à regarder ce barbu, cette voilée, qui eux sont ce que je ne suis pas.
Chaque attentat vient ainsi renforcer l’identité de celles et ceux ne sachant plus à quoi se raccrocher, car refusant d’accepter la spiritualité qui est en eux, la réalité divine qui les entoure. Qu’est-ce qu’être français ? On l’a vu, plus que des idées vagues et dites universelles, peu concrètes et malléables, ce fut surtout ne pas être de ces musulmans.
L’attentat vient les rassurer sur ce qu’ils sont, et leur donne le sentiment de réappartenir à une communauté. Celle de ceux que les islamistes ne veulent pas. Nous sommes des républicains, des laïques, des hommes libres. Des termes qui n’apportent rien de concret sur le plan culturel ou identitaire, mais qui de fait, s’oppose à ce que serait cet islamiste.
L’élite politique et intellectuelle, consciemment ou non, en joue admirablement. Il faut entretenir la peur, la suspicion. La menace est omniprésente, nous sommes en guerre. C’est eux contre nous.
Le drapeau français revient dans les foyers, la marseillaise commence à être réapprise par cœur, et la volonté de défendre sa Patrie du péril vert qui toc à la porte investit le commun des mortels. La République se radicalise.
De la pacification à la militarisation
Mais il faut compter avec la pacification des esprits qui eut lieu depuis des décennies. Les guerres se passent loin, la violence est plus souvent télévisuelle que vécue, et la mort est constamment tenue à l’écart (morgues, abattoirs, cimetières). On ne se bat plus pour survivre, le confort est dans la plupart des foyers, l’homme n’est plus ce barbare, ce guerrier, ce brave chevalier d’antan.
Pour mettre en pratique ce revirement identitaire et cette ferveur nationaliste, l’Etat va ainsi se faire promoteur des différents corps de métier à vocation à défendre les faibles des vilains. Police, gendarmerie, armée de terre, de l’air, la marine. Le RAID, le GIGN. De campagnes en documentaires, on valorise cet homme qui s’investit pour la Patrie. À la manière de l’agence de presse daeshiste, les exécutions en moins (la mort est encore tenue à l’écart), l’Etat met en scène les policiers et militaires dans de belles vidéos HD, au milieu des chars et des désoeuvrés.
Rompant avec le traditionnel passage par l’armée de tout à chacun, Jacques Chirac suspendit en 1997 le service militaire obligatoire. Aux lendemain de l’épisode, très long et rébarbatif, Charlie Hebdo, des élus s’emboitent le pas en demandant son rétablissement. Peu après le 13 novembre, des parlementaires co-signent une pétition en ce sens à nouveau.
Chose à demi-faite, François Hollande instaure le service militaire volontaire, déjà présent en Outre-mer, grand fourvoyeur de chair à canon. En parallèle, une émission sur M6 met en scène des jeunes replongés un temps dans le service militaire des années 70. Le succès est au rendez-vous, pour l’émission comme pour le service volontaire.
»Rasage obligatoire et transformation capillaire sont d’abord au programme. « C’est court », indique Pierre inquiet en voyant sa nouvelle coupe. Les volontaires enfilent ensuite leur uniforme kaki. « Cela rend fière », témoigne une jeune. »(1)
Le général responsable du recrutement de l’armée de terre, Frédéric Blachon affirme qu’il s’agit »d’une année exceptionnelle pour le recrutement. Il faut remonter cinq ans en arrière pour retrouver la même quantité de jeunes à recruter ». Sur Twitter, facebook, l’armée se rend visible un peu partout. On en voit même des affiches dans les rues.
Mais la demande accroit du côté des parlementaires. Ils veulent du service obligatoire. LCP a ainsi demandé récemment à ces derniers de s’exprimer sur le sujet. Sur 120, ils étaient 80 à se prononcer pour le rétablissement. Un sondage Ifop/Dimanche Ouest France publié en janvier, affirme que les Français sont 80% à en souhaiter le retour, contre 60% d’habitude.
Un retour des français vers une armée qui a bien besoin d’hommes et de femmes pour conduire ses opérations à l’internationnal. La France bombarde l’Etat islamique en Irak et en Syrie, mais intervient aussi dans l’Océan Indien, dans plusieurs pays africains, et opère ici et là à des assassinats ciblés.
Dans le livre blanc préparé par le PS en 2012, il y est indiqué que »l’évolution du contexte stratégique pourrait amener notre pays à devoir prendre l’initiative d’opérations, ou à assumer, plus souvent que par le passé, une part substantielle des responsabilités impliquées par la conduite de l’action militaire ».
La présence militaire s’accroit aussi considérablement dans les rues, gares et autres lieux publics. La menace islamiste? Pas seulement. Les tensions économiques, les mesures d’austérité qui toucheront la France comme elles en ont touché d’autres, sont autant de barils de poudre qui n’attendent que leur mèche.
La militarisation est clairement en marche, les français ont peur et donnent ainsi implicitement leur accord aux décisions prises par l’Etat major. Ils s’accordent à restreindre leur liberté et à voir celles des autres l’être encore plus. Ils soutiennent l’aviation qui se charge de pacifier les zones islamisées, qui ne sont que d’autres zones stratégiques, riches en ressources et nécessaires à la survie économique du pays. De juteux contrats sont signés avec des putschistes militaires, des groupes terroristes comme le PKK sont félicités, des armes sont envoyés aux rebelles syriens. Oui, la militarisation est en marche, et le service militaire te guète!
Aux armes citoyens!
(1).http://www.francetvinfo.fr/france/armee-le-service-militaire-a-fait-son-retour_1269253.html
sarrazins 