L’Egypte, des mains du général aux griffes du FMI

Il y a 3 ans jour pour jour commença le plus gros massacre que connut l’Egypte contemporaine. Manifestant pacifiquement, des dizaines de milliers de gens, sortis dans les rues réclamant le retour de leur gouverneur déchus par une opposition armée, seront matés par le nouveau pouvoir en place.

3 ans plus tard, après avoir été battue comme il le faut, l’Egypte est maintenant en train de se voir transférée dans les griffes ensanglantées du FMI.


Dans les mains du général


14 aout 2013. Appuyés (à l’image du putsch récent en Turquie) par les occidentaux, refusant catégoriquement le maintien de Frères Musulmans au pouvoir, les putschistes ouvriront le feu sur les hommes, femmes présents dans la foule, entrainant même dans la mort de nombreux journalistes couvrant les faits.

Le massacre de Rabaa, ce sera entre 800 et 2600 morts au total. Des vidéos montreront des hommes désarmés, tués d’une balle dans la tête par des snipers postés au loin, des femmes trainées la poitrine au vent sur le sol, des personnes âgées battues à coup de matraque.

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Pendant que certains s’occuperont à analyser le symbole de ce massacre que sera cette main présentant 4 doigts, en y trouvant shirk et franc-maçonnerie, ce sont des centaines de personnes qui seront chaque année depuis, emprisonnées arbitrairement par les autorités en place. Des centaines d’autres seront tout simplement condamnées à mort, pour n’avoir qu’été au pouvoir le temps de quelques mois. Amnesty International parle même de nombreuses femmes violées en prison par leurs pervers de geôliers.

C’est aussi une politique saluée par le gouvernement israélien et américain, ces derniers lui envoyant de larges fonds en vue de réformer son armée. Les tunnels liant Gaza au Sinaï sont bouchés, le Hamas, critiquable certes, mais représentant la seule résistance possible face aux sionistes pour de nombreux palestiniens encore en vie, est inconditionnellement taxé de terrorisme.

Des nuances peuvent bien sûr être apportées à ce constat. Certains égyptiens sont d’ailleurs très heureux de la politique menée par le général Sissi. (Si si). De nombreuses choses peuvent être aussi reprochées à la politique menée par les Frères Musulmans fraichement arrivés au pouvoir. Tout comme reproches purent leur être faits quant à leurs méthodes et moyens d’actions passés.

Mais nous ne pouvons nous empêcher de penser à ces milliers de gens ayant perdu quelqu’un, ou croupissant dans les funestes prisons que contiennent le pays. Nous ne pouvons non plus nous montrer de marbre quant à l’attitude perverse des gouvernements occidentaux et la froideur de certains musulmans, incapables de faire face aux faits, préférant excommunier quiconque aurait un semblant d’humanité pour leurs frères et sœurs qui souffrent, parce que d’un parti autre que le leur.

Mais se rappeler de ce qui s’est passé ne doit pas nous faire oublier ce qu’il risque d’arriver demain.

Dans les griffes du FMI

Jusqu’ici, le pays des pharaons pouvait compter sur les aides de ses voisins moyen-orientaux pour redresser son économie nationale. Mais avec une sortie du pétrole qui risque de leur couter cher, ces derniers durent ajourner leurs dons respectifs. L’Egypte, elle, s’en est allée toquer à la porte du FMI.

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Face à la baisse de ses revenus liés au tourisme et aux hydrocarbures, 21 milliards de dollars devront être récupérés en 3 ans afin de rester dans le course. 12 milliards de dollars sont ainsi quémandé au FMI, dont un premier versement est attendu dès septembre. En échange, toute une série de mesures sont bien entendu souhaitées et attendues.

Baisse des subventions accordées au domaine de l’énergie, augmentation historique de la TVA, dévaluation monétaire, réduction du nombre de fonctionnaires, autant de mesures qui auront de quoi plomber le quotidien déjà difficile de beaucoup de citoyens égyptiens. Le général Sissi a de toute façon averti depuis quelque mois ses sujets de l’avenir radieux qui les attendait.

Réclamer l’aide du FMI, c’est un peu comme donner ses clés à l’huissier de justice patientant sur votre palier. Il ne va pas vous louper. L’exemple de la Grèce est peut-être le plus flagrant car le plus commenté. Mais son cas est très loin d’être isolé. La quasi totalité des pays du globe ont à un moment ou à un autre réclamé l’aide de l’institution américaine. Et pas des plus politiquement correctes. De l’Amérique du sud à l’Asie du Sud Est en passant par le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, la plupart des pays ayant subi coups d’Etat ou dictatures, ont su se voir accorder aides du FMI sans trop de réticences.

Hasard calendaire ou opportunisme calculé? L’auteure Naomi Klein, dans son célèbre ouvrage  »La stratégie du choc » plaide, elle, pour la seconde option. Ce n’est pas un hasard si la doctrine capitaliste, dans sa forme la plus sauvage, put à chaque fois s’imposer lors de phases dictatoriales ou autoritaires. Enrichissant les uns et appauvrissant les autres, aucun peuple ne tient longtemps à se voir peu à peu déposséder de ses biens. D’où l’importance de savoir faire preuve d’une politique intérieure sévère, afin de canaliser les foules en colère.

IMF

Une politique nécessaire, donc, pour que puisse être mis en place mesures adéquates en vue de rembourser les prêts avancés. Une politique ainsi très largement tolérée par les pontes du FMI.

Des mesures drastiques qui ont déjà coutées cher à de nombreuses nations. Car derrière l’idée de promotionner l’expansion monétaire mondiale tout en assurant la stabilité des taux de change entre les monnaies, le FMI a aussi ça de merveilleux qu’elle permet d’assujettir tout besogneux nécessiteux à la finance mondiale.

C’est en tout cas ce dont quantités de spécialistes et économistes en ont compris depuis les années 70. Poussant les nations à privatiser leurs biens publics, rachetés à bas prix à de riches investisseurs privés (multinationales et banques), le FMI n’a pas hésité à mentir et tromper son monde dans l’objectif de mieux étendre sa prise de contrôle. Les seuls bénéficiaires étant généralement les élites politiques au pouvoir réclamant leur aide. De nombreux chefs d’Etat, non élus, ont par exemple longtemps pu se maintenir grâce aux prêts accordés par le FMI, en dépit de la contestation de leurs  »électeurs ».

Mais l’Egypte n’en est pas à sa première demande, c’est la 7ème faite depuis 1945. Peu avant sa destitution, le premier président démocratiquement élu d’Egypte, Mohamed Morsi, en avait lui aussi fait la demande, qui lui fut refusée, faute de n’avoir su imposer les restrictions budgétaires réclamées.

On ne peut que craindre désormais le délitement total de ce pays qu’est l’Egypte avec ce prêt qui va lui être accordé. Aucun Etat n’a emprunté d’aussi grosses sommes sans avoir à continuellement opérer à de lourdes coupes budgétaires afin de rendre l’argent, avec intérêts bien sûr, à ses créanciers. De mèche ou non, le général Sissi pourra néanmoins continuer à jouir de son statut, tant que les protestations populaires pourront être canalisées. Le FMI et les gros porte feuilles ont besoin de gens comme lui à la tête des nations de ce monde.

Autoritaire, ouvert aux investissements étrangers et envieux de prêts bancaires, c’est une poule aux œufs d’or pour nos gardiens du Temple moderne.

En attendant, ayant une pensée aux martyrs, morts et souffrants et à ceux qui vont encore souffrir demain…

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