Musulman comme un Corse

On est chez nous criaient quelques corses, lors d’une manifestation aux lendemains de l’agression de pompiers intervenus dans un quartier majoritairement musulman, il y a de cela quelques mois. Plus récemment, c’est le FLNC qui, à travers un communiqué rédigé de leurs mains, s’en est allé à menacer Daesh, tout en rassurant les musulmans présents sur l’île.  Du moins, les musulmans n’affichant pas de signes ostentatoires.

Sur une île qui a vu passer Vandales, Goths, Lombards, Romains, francs, génois, italiens, britanniques et allemands, il serait tout aussi dur que pour le reste de la France de définir ce que pourrait être un corse de souche. C’est bien sûr sans compter les milliers de sarrasins qui peuplèrent successivement l’île.

On ne parle ici pas des milliers de maghrébins venus apporter leur aide pendant la seconde guerre mondiale afin de libérer l’île des nazis, ou les milliers d’autres venus, comme ailleurs, aider à la reconstruction du pays, Corse comprise. Nous parlons là de ces musulmans qui, de l’an 85 de l’Hégire (704) à l’an 483 (1090), s’installèrent, non sans y être chassés régulièrement, sur l’île pour, entre autre, y lancer de nombreuses expéditions vers le sud de la France et l’Italie.

Une Corse alors encore majoritairement païenne adorant arbres et feuillages, que Charlemagne ou plus tard Ugo Colonna tenteront de christianiser en y chassant les barbaresques maures, le tout sous la bénédiction de l’Eglise romaine. Les musulmans finiront bien par définitivement quitter le territoire, mais des raids de corsaires musulmans continueront de semer la terreur sur les côtes corses les siècles suivants. Des raids reprenant de plus belle après le XV ème siècle, peu après l’alliance turco-française visant à défaire Charles Quint.

A cette même époque apparaît le drapeau corse, représentant une tête de maure entourée d’un bandana blanc, suite à l’indépendance de l’Ile se libérant de la République de Gênes en 1755. Indépendance de courte durée puisque la France racheta l’île en 1778. Mais certains affirment que l’origine de ce drapeau serait plus ancienne et en relation directe avec l’invasion musulmane des siècles plus tôt.

Drapeau_corse_tete_maure.bandeau

Cette tête de maure serait ainsi apparue pour la première fois en 1281 sur un sceau de Pierre III le Grand, importée sur l’île par les rois d’Aragon, en Espagne. La tête représenterait alors celle d’un soldat maure décapité par les soldats corses lors d’une bataille et empalé sur un pique.

Les références corses quant à cette présence musulmane largement occultée des manuels scolaires sont nombreuses. Si plus aucun vestige n’est encore présent, sûrement détruits par les armées chrétiennes, de nombreux lieux, monts et cols contiennent encore dans leur toponymie le terme de maures : Campomoro, Morsiglia, Morosaglia, Moriani, Moriccio. On peut citer aussi la moresca, une chanson très présente dans la culture corse. Des patronymes tels que Moreschi, Morachini, Morazzani nous rappelle aussi ce petit goût qui vient d’ailleurs.

Diantre! Certains corses auraient donc du sang arabo-berbère dans leurs veines! Effectivement, tout comme, selon une étude récente, plus de dix pour cent de la population espagnole encore aujourd’hui.

De nombreux historiens relatent la violence avec laquelle ces corsaires et pirates massacrèrent les populations pour mieux en réduire en esclavage le reste. Si nous ne pouvons nier les morts et destructions dues à certaines armées musulmanes de par le passé, il est important de relativiser la chose et de garder à l’esprit que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Ces récits historiques sont donc à prendre avec des pincettes, cela va sans dire.

Fait étonnant, la plupart des barbaresques ayant attaqués les côtes corses le XVème siècle passé, furent dans la grande majorité des cas, non pas des maures, mais bien des corses. Convertis à l’islam, migrant pour certains au Maghreb pour faire carrière, ils seront nombreux à accéder aux plus hautes fonctions administratives sous le califat ottoman au nord de l’Afrique. Nous pouvons citer Pietro Paolo Tavera, devenu ensuite Dey d’Alger sous le nom de Hassan Corso au XVI ème siècle. Il y a aussi Hassano Corso, anciennement Lazaro de Bastia, général de l’armée ottomane. Citons également Dawiya Franceschini, fille de corses, devenue après son passage au harem du sultan marocain au XVIII ème siècle, première sultane du Maroc.

Le récit le plus étonnant restera celui de Mourad Courso ou Mourad Bey, née Jacques Santi, en Corse et décédé en 1631. Après avoir été capturé par des corsaires tunisiens et élevé par le bey de Tunis, il devient lieutenant pour ensuite recevoir, après ses services militaires couronnés de succès, le titre de Pacha par le Sultan turc. Il obtient alors le droit de transmettre son titre à son fils Hammouda, qu’il aura alors eu avec une odalisque, esclave vierge au service des concubines et femmes des harems, du nom de Yasmine, elle aussi née corse. Ainsi naquit la dynastie Mouradite : une dynastie musulmane au Maghreb, créée par des corses.

Soit dit en passant, absolument rien n’a été rapporté d’arabo-berbères, au Maghreb, descendant dans leurs rues, criant à ses étrangers de corses, prenant leurs emplois et le pouvoir sur leurs terres, qu’ils avaient plus le droit de se réclamer chez eux que d’autres…

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