Falloujah libérée?

Falloujah est libre. Libérée des quelques centaines de combattants daeshistes, le gouvernement irakien a réussi, après plus d’un mois de combats, à refaire flotter le drapeau national sur les immeubles en ruines que compte encore la ville.

Falloujah, l’une des villes les plus anciennes de l’humanité, est depuis 2003 sous différents feux. Américains d’abord, à trois reprises, la ville passe ensuite aux mains de l’Etat chiite promu par l’administration Bush, pour ensuite se voir dominée par les hommes en noir d’al Baghdadi.

Une série d’épisodes sombres

Nommée la ville des mosquées, Falloujah est surtout connue pour avoir été l’un des bastions de la résistance anti américaine les plus forts du pays. En 1991, lors de la première invasion américaine, la ville, accueillant de nombreux membres du parti baasiste est sévèrement bombardée. Une bombe va même tomber dans un marché faisant près de 1400 morts. Un ressenti anti-américain très fort va alors s’installer et se réveiller dans toute sa splendeur lors de la 3ème guerre du Golfe en 2003. Le meurtre de quatre mercenaires de blackwater, milice privée américaine, déclenche alors la fureur de ces derniers, qui n’hésitent à bombarder aveuglement la ville et ses habitants. Près de 6000 personnes perdront rapidement la vie. L’armée américaine n’hésitera pas d’ailleurs à utiliser des bombes polluantes, à uranium enrichi, sur la population civile. La journaliste Angélique Férat , dans une enquête, démontrera que s’en suivra quantité de naissances de bébés mal formés, des bébés monstres, selon ses dires.

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Se retirant petit à petit, les américains aideront au déploiement d’escadrons de la mort, composés de chiites, afin de remettre de l’ordre dans la ville, comme ailleurs. Jusqu’à l’arrivée de Daesh en 2014, ce sont des milliers de personnes qui seront enlevées, assassinées, torturés. Des gens, car simplement sunnites seront emprisonnées dans des geôles, des années durant, pour y subir des sévices incroyables.

Torturés à coup de perceuse dans les genoux, électrocutés, femmes et adolescents n’étant pas en reste. A la suite d’un attentat commis dans un café en 2011 par des rebelles sunnites, des miliciens sont même allés au domicile de sunnites en abattant le premier homme qui se présentait à la porte. Un véritable nettoyage ethnique est même perpétré dans certaines zones afin de créer un couloir entre la frontière iranienne et certains lieux saints chiites présents dans des territoires à majorité sunnite. Des mollahs iraniens s’enjoignent dans leurs prêches à pousser au soulèvement total à l’égard des égarés sunnites. Le clivage et le sectarisme se fait mois après mois de plus en plus brutal.

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Parmi les rescapés, des jeunes qui iront rejoindre les rang d’al Qaïda puis plus tard de Daesh. Les attentats contre chiites et américains se multiplient, les représailles du gouvernement irakien et ses milices s’intensifient. Des années de tuerie jusqu’au jour où près de 3 ans après le départ des américains, la ville tombe sous l’emprise de Daesh. Un soulagement pour les uns, du pareil au même pour les autres. Voir l’arrivée de sunnites reprenant la ville aux milices gouvernementales aurait pu satisfaire tout le monde, dans une ville à majorité sunnite, mais les daeshistes ne se montreront guère plus amicaux. Des tribus se soulèvent et tentent de repousser les soldats en noir. Elles finiront toutes par se faire écraser et leur combattants exécutés.

Des lendemains peu prometteurs

26 juin 2016, la ville est reprise par les forces chiites nationales.

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Les habitants savent à quoi s’attendre. Ils auraient bien voulu quitter la ville avant qu’ils n’arrivent, mais on raconte que les soldats de Daesh les auraient exécuté. Un peu plus loin, sur les portes de domiciles de certains sunnites, des inscriptions appelant à la vengeance et au sang sont repérables. Ils se rappellent aussi ce que ces mêmes individus ont fait aux civils présents dans Tikrit, autre ville reprise aux mains de Daesh. Les combattants chiites y ont présidé le massacre des sunnites et ont, à un moment donné, même été filmés en train de découper le cadavre brûlé d’un homme avec une épée. Des photos de têtes décapitées sont parfois diffusées sur les réseaux sociaux par des miliciens visages découvert. Avant d’entrer dans la ville, l’armée irakienne a massivement bombardé les installations médicales de la ville et empêché toute arrivée de nourriture dans la ville. Victime de famine, sans possibilité de se soigner, et bloquée entre les armes de Daesh et celles du gouvernement chiite, les habitants n’ont rien eu d’autre à faire que de patienter et d’espérer que la pilule passe.

Dans une vidéo mise en ligne sur le compte YouTube des Brigades, une des principales milices en question, le leader Aws Al-Khafaji s’est montré plus que clair dans ses intentions :

 »Falloujah est la source du terrorisme depuis 2004 et jusqu’à ce jour. Rares sont les cheikhs tribaux qui sont des êtres humains. Il n’y a pas un seul patriote là-bas, ni un seul religieux pieux, qui adhère ne serait-ce qu’à la doctrine sunnite. C’est l’occasion pour nous de nettoyer l’Irak en éradiquant la tumeur Falloujah, l’occasion de nettoyer l’Irak et de purger l’islam dans le monde. Nous voulons la victoire, non le martyr. Allah nous a promis la victoire. »

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                                                              Aws al Khafaji

Comment espérer ne pas voir les rangs des groupuscules sunnites les plus violents gonfler avec la politique que mène les États Unis depuis 25 ans en Irak et plus particulièrement à Falloujah. Bombardés, sous embargo, puis bombardés à nouveau, puis jetés dans les griffes des milices sanguinaires de l’État chiite, les sunnites n’ont parfois d’autres choix que de trouver refuge auprès de ceux qui pour eux peuvent sembler les moins pires.

Falloujah n’a pas été libérée, elle est juste passée entre les mains de nouveaux bourreaux.

Prochaine étape pour le pouvoir chiite : Mossoul.

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