N’est pas terroriste qui veut

 

 

Peu après la tuerie d’Orlando, un policier et sa femme sont froidement exécutés dans leur domicile en France, quand en Angleterre, un homme assassine en pleine rue une députée. Rapidement l’accusation de terroriste plane sur l’auteur du double homicide français, quand l’autre s’en voit innocenté et accusé de simple tueur. 

Le premier était musulman et aurait tué au nom d’Allah, le second, chrétien, ôta la vie de la jeune dame au nom de la Grande Bretagne. Que peut-on en conclure? Qu’il vous faudra vous convertir à l’islam, ou arabisé votre nom, ou tout simplement dire agir au nom de Daesh pour espérer rentrer dans les anales du terrorisme.

Conclusion sommaire? Oui, mais ce n’est pas comme si les exemples manquaient.

  • 2015, un jeune homme, blanc, tue 9 personnes, noires, dans une église. Il clamait ouvertement son racisme sur les réseaux sociaux. Dylan Roof est un tueur.

  • 2011, un jeune homme, blanc, tue 6 personnes et en blesse 12 autres lors d’une assemblée politique. La cible principale, Gabrielle Siffords, première élue juive de l’Arizona, s’en sortira. Sur ses vidéos Youtube, il citait notamment Mein Kampf parmi ses livres préférés. Jared Lee Loughner est un tueur.

  • 2011, un homme, blanc, tue 77 personnes en Norvège. Ardent défenseur de la cause blanche et chrétienne, farouchement opposé à l’immigration, il ciblera ce jour là des jeunes adhérents du Parti Travailliste. Anders Breivik sera un tueur, longtemps avant que l’on tende à hésiter à le qualifier de temps à autres de terroriste.

  • 2009, un homme de 41 ans tue 13 personnes dans un centre d’aide aux immigrants à New York. Jiverly Wong est encore une fois un tueur.

    A l’inverse :

  • 2009, un commandant de l’armée américaine, d’origine palestinienne, musulman, tue 13 personnes dans le camp militaire de Fort Hood au Texas. Nidal Malik Hasan est un terroriste.

  • 2010, une femme, d’origine bangladaise, musulmane, en vient à presque tuer Stephen Timms, député britannique en faveur de la guerre en Irak. Elle sera une terroriste.

  • 2015, un homme, maghrébin, décapite son patron et cherche à faire exploser l’usine lui appartenant. Yassin Salhi est un terroriste.

  • 2016, un homme, d’origine afghane, tue 49 personnes dans une boite de nuit gay. Bien que l’enquête dévoile petit à petit le passé d’homosexuel et client de la boite, consommateur d’alcool au comportement violent, Omar Mateen est bien un terroriste.

 

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Photo de famille en Corse

 

On passera sur toutes les tueries commises dans des établissements scolaires ces 20 dernières années rien qu’aux Etats unis où sur les meurtres de masses commis par des gangs et mafias au Mexique ou au Congo. Les auteurs sont à chaque fois qualifiés de tueurs, meurtriers, ou de déséquilibrés. Du moment qu’ils ne sont pas musulmans. Exception faite pour Timothy McVeigh et l’homme appelé «Unabomber». Le premier a fait exploser un édifice gouvernemental en Oklahoma, le second a envoyé des colis piégés à différentes personnes durant des années. Tous les deux ont été taxés de terroriste. D’autres attaques à la bombe et assassinats précédents ont effectivement été étiquetés de la même manière, mais ça, c’était avant ce fameux 11 septembre 2001. Depuis, dur d’être terroriste quand on s’appelle Jacques ou Anthony.

Une définition floue?

Pourtant, rien dans les différentes définitions que peuvent en donner les dictionnaires à disposition ne laissent entrevoir l’idée qu’un attentat doit nécessairement être islamique pour être.

 »Le terrorisme désigne soit des actes violents – sabotages, attentats, assassinats, prises d’otages… – commis pour des motifs politiques par des individus isolés ou organisés, soit un régime de violence créé et utilisé par un gouvernement qui cherche à conserver le pouvoir face à des ennemis intérieurs ou extérieurs. »

Encyclopédie Hachette

 »Emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique (…) et spécialement ensemble des actes de violence, des attentats, des prises d’otage civils qu’une organisation politique commet pour impressionner un pays (le sien ou celui d’un autre) »

Petit Robert

Selon Omar Malik Brookings, la première utilisation reconnue de « terrorisme » et de « terroriste » date de 1795, faisant référence au Régime de la Terreur institué par le gouvernement français. Une appellation dont nos jacobins modernes semblent se délester sans aucun problème.

 »Les chercheurs Remi Brulin et Lisa Stampnitzky ont passé des années à documenter la façon dont le terme, dès le début, n’était rien de plus qu’un outil de propagande destiné à légitimer la violence d’un côté tout en délégitimant la violence de ses ennemis. »(1).

A chaque tragédie coutant la vie à des individus, la même question se pose désormais, est-ce un attentat terroriste? Dès lors que l’auteur puisse avoir agit au nom d’autre chose que de l’islam, ou que ses origines sont clairement identifiables comme étant occidentalo-européenne, la réponse se fait d’emblée négative. Du moins, on voit les journalistes et politiques prendre d’énormes précautions. Le tueur s’appelle Bachir ou Fabien fréquentant la mosquée du quartier, plus aucun recul n’est pris. On ne cherche plus à mettre en avant son possible déséquilibre, ses motivations personnelles ou quoique ce soit d’autres. Non, il est musulman, et un musulman qui tue est un terroriste, peu en importe ses raisons et antécédents.

Pour en revenir au meurtre de la députée Jo Cox, parions que si le tueur de la députée Cox britannique s’était écrié Allah akbar en lieu et en place de son British first, le traitement médiatique en aurait été tout autre. Ses ambitions semblent pourtant, d’après l’enquête en cours, particulièrement politisées, correspondant ainsi complétement à la définition du terrorisme telle que donnée dans tous les ouvrages de référence.

Car les mots sont importants

Demander aujourd’hui à quiconque une définition concise du terrorisme et le constat se fait limpide. On ne pense plus à l’IRA, à l’ETA, et aux nationalistes en tous genre. On ne pense pas aux forces militaires sionistes, au largage des bombes nucléaires américaines sur le Japon ou aux divers assassinats politiques qui émaillent régulièrement l’actualité.  Non, un acte terroriste n’est, dans la plupart des cas, terroriste que si il se fait au nom de l’islam, ou se voit commis par un musulman. Et pourtant combien de tueries chaque semaine pourrait correspondre à ce que ce que serait un attentat selon les définitions qui nous sont données? Et combien de tueries sont présentées comme des attentats sans même que l’acte puisse correspondre à cette même définition? Beaucoup.

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Omar Mateen

A l’heure où le tueur d’Orlando, que l’on aura dans les minutes suivant l’affaire décrit comme un terroriste, semble n’avoir été finalement motivé que par un désir de revanche sur une communauté dont il cherchait à faire parti, la question se pose. Le tueur aurait été blanc ou asiatique, il n’aurait qu’été un fou, un homosexuel refoulé, un tueur de sang froid, mais il était d’origine afghane et musulman.

Le terme a tellement été galvaudé et collé à un type d’individu et d’actions précises qu’il va falloir du temps pour en dépolluer le sens.

(1) http://www.etatdexception.net/pourquoi-le-tueur-de-la-deputee-anglaise-jo-cox-nest-il-pas-qualifie-de-terroriste/

 

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