Islam et politiques : un amour paradoxal

En collaboration avec Smarteur, nous étudierons, en usant d’une approche systémique, l’inévitable divorce entre l’islam et la politique française. Le regard sera ici historique et idéologique.

Rappelons que l’approche systémique est celle de prendre le sujet et de le décortiquer selon les différentes composantes qui le composent et les interactions entre celles-ci, ici les composantes seront traitées de manière indépendantes et les interactions ne seront pas mises en valeur. Bonne lecture et bon travail !

Avec les années Mittérand et l’antiracisme des années 80, les musulmans en France ont vite eut à coeur de développer un amour presque naturel et inné pour la gauche. Amicale, soucieuse de leurs intérêts, prêt à les sauver de la bouche des loups de droite.

C’est pourtant oublier les fondements sur lesquels repose l’idéal gauchiste, doublement centenaire ici en France.

On entend le peuple s’insurger. La gauche serait en train de trahir ses valeurs! Son tournant libéralo-économique et pro-patronal, sa surdité face aux remontrances des électeurs, et son  »virage » identitaire quant à la question musulmane. La gauche serait en passe de se droitiser.

Vraiment?

Retour sur l’historicité des idées

En remontant à la constitution des partis politiques français, il semble pourtant bien que la gauche attira plus souvent le descendant jacobin et révolutionnaire que le monarchiste traditionnel. Ce n’est une surprise pour personne. Et qui dit jacobins et révolutionnaires, dit tout à la fois idéal des Lumières, libéralisme économique, égalitarisme, et surtout anticléricalisme notoire.

Cette ascendance se confirmera d’ailleurs lors de l’avènement de la IIIème République, celle qui installera durablement la gauche comme moteur idéologique de la France républicaine.

La gauche et l’étranger

Son rapport à l’étranger commence ainsi déjà très mal. Du temps des colonies, ce ne sont ainsi pas les tenants de la droite monarchiste qui en désireront l’expansion après 1871, mais bien la gauche. Et pas n’importe qui au sein de la gauche.

Jules Ferry, prophète et messager laïque, en sera l’artisan le plus dévoué.

Si l’on ne peut nier son caractère mercantile (développement du libéralisme économique), l’entreprise coloniale trouvera justification en l’élaboration de tout une rhétorique racialo-centrée, doublée d’un darwinisme social en pleine ébullition. Il s’agissait dans une logique libertaire, d’émanciper les peuples de leur propre condition.

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Les discours les plus négrophobes et hostiles au mahométisme seront légion. De Victor Hugo à Jules Ferry, de Léon Gambetta à Jean Jaurès, tous, de gauche, auront eu la joie de pouvoir exprimer leur colonialonophilie, en avançant sans gêne aucune la prétendue supériorité de l’homme au visage pâle sur ses sujets bronzés.

Des personnages pourtant portés haut en couleurs aujourd’hui par nos républicains et laïques contemporains, et surtout par tout gauchiste qui se respecte. À l’instar du génocidaire Léopold II en Belgique, ces derniers ont aujourd’hui leurs statues et rues à leur nom. L’on enseigne à nos têtes blondes mais aussi brunes l’idéal républicain incarné en ces piliers de la République.

Le colonialisme, une politique de gauche? Cela fait déjà un point mettant complètement en branle l’idéal anti-raciste de la gauche contemporaine, et pouvant légitimement faire douter le musulman issu de l’immigration post-coloniale sur le caractère sincère de leur anti-racisme récent.

La gauche et la religion

Si la politique du PS aujourd’hui à l’égard des musulmans ne laisse plus de doute quant à l’hostilité manifeste qu’ils éprouvent pour le fait religieux et le culte musulman ; les mahométans ont aussi longtemps pensé la droite seule en droit de se montrer islamophobe et laïquarde.

Rien n’est plus faux.

Dans la continuité de l’anti-cléricalisme des Lumières, la gauche luttera ardemment tout le XIXème siècle contre l’Église catholique (et parfois contre le déisme), pour aboutir ainsi à la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État.

Bonne idée pour les uns, se défendant de ne favoriser aucun culte et imposant la neutralité à l’État, elle permettrait aux musulmans de pouvoir vivre leur foi en toute liberté en territoire français. La réalité rattrapant les faits, toute personne un brin observatrice aura bien compris que cette laïcité n’est qu’utopie et illusion.

Ainsi, s’étonner de la couleur que prennent l’identité et la place du religieux dans la gauchosphère actuellement peut finalement sembler curieux.

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Jules Ferry, barbu laïque

Car que disait Jules Ferry (encore lui) sur la soi-disant neutralité de l’instituteur si silencieux il se faisait quant à la religion? N’affirmait-il pas cette neutralité comme étant une chimère? Vincent Peillon, ancien ministre socialiste, n’a-t-il pas parlé de mettre à bas les vieilles croyances pour faire place à une foi laïque?

Si la droite a su reprendre un temps cette laïcité à son compte, car hostile à l’immigration musulmane plus qu’au culte, l’anticléricalisme, voir l’anti-déisme a depuis ses débuts été un art des plus à gauche. La droite au contraire, s’est longtemps portée garante de la foi catholique des français et hostile au laïcisme d’antan.

Cela fait ainsi un deuxième point central mettant en branle lui aussi l’idéal cette fois-ci tolérant d’une gauche protectrice de ses minorités.

Hé oh les musulmans!

Son égalitarisme hostile aux spécificités et particularismes, son progressisme à contre courant des dogmes monothéistes, sont autant d’autres terrains initiés par la gauche désormais partagés par l’ensemble des tendances politiques.

La gauche est le parti de la Révolution, initiant l’an zéro de la République française que l’on connait aujourd’hui. Toutes les idéologies séculières modernes sont issues de cette frange politique et intellectuelle. La droite, opposante légitime, n’a fait que se réapproprier le cas échéant chacune des valeurs qu’elle put combattre jadis. Un balayage sur les deux siècles de politique française intérieure et extérieure ne fait que le confirmer.

Sous ses faux airs de garante de la diversité, incarnée en une politique promotionnant le rap, l’humour beur et le métissage ; cette gauche là n’a cherché qu’à éloigner les musulmans de l’islam de ses paires. Trop militant, contre progressiste, empêchant l’égalitarisme citoyen voulu, il n’y a aucune raison à ce que la gauche ait pu vouloir l’épanouissement d’individus faisant de leur foi une identité allant au delà du simple folklore.

Ce n’est ainsi pas un virage que l’on peut constater avec le PS au pouvoir mais probablement la plus digne représentation de la gauche idéologique telle qu’elle a pu être pensée par ses pères fondateurs. La lutte anti-cléricale se perpétue, bien qu’ayant changé de cible, l’entreprise coloniale aussi, malgré le changement de mode opératoire. Concernant la religion des Lumières, elle est bien durablement installée, entretenue, et désormais acceptée de tous.

Le dernier obstacle réside en ces barbus et voilées déambulant dans de plus en plus de nos rues, en ces musulmans décomplexés et politiquement militant. Que les tenants de la droite dure, pensant le PS à genoux face à ceux-là, ne s’y méprennent pas, la gauche non plus ne les apprécie pas… Mais pour en venir à une telle conclusion, un simple regard sur l’actualité ne suffit pas, il faut savoir prendre la distance nécéssaire et observer l’histoire et les hommes qui l’ont faite.

Mais en une ère vouée à l’instantanéité s’opposant au temps long, où contextualiser et chercher aux sources devient perte de temps, y a-t-il encore des gens que cela intéresse?

 

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