Manger halal ou bien manger. Un choix qui semble s’imposer

À en croire tout ce qui se dit à chaque enquête réalisée sur le sujet, manger halal devient de plus en plus difficile. Va t-on devoir se préparer à élever soi-même son mouton dans la chambre des enfants?

Des sur-consommateurs

L’alimentation halal est un secteur plus que porteur. En croissance continue depuis ses débuts, 20 % depuis 2013(1) quantité de distributeurs et producteurs en ont investi le marché. Chaque grande surface fait ainsi la part belle aux clients musulmans en leur offrant un rayon dédié à leur viande préférée. Ils le savent, les musulmans sont de grands consommateurs de viande et une récente étude menée par le cabinet Solis nous le confirme. Son directeur Abbas Bendali affirme ainsi (2):

 »Les musulmans sont jeunes, actifs et surconsommateurs de viande, surtout lors d’événement comme l’Aïd, les naissances, les mariages… Ils achètent à 85 % de la viande, dans des boucheries halal qui, contrairement aux boucheries traditionnelles, résistent très bien et vendent de gros volumes. »

Des sur-consommateurs. Le mot est bien trouvé. Rarement un plat préparé par nos musulmans nationaux ne se fait sans son morceau de viande, quand il est aujourd’hui pourtant unanimement recommandé par les spécialistes d’en réduire la consommation. Pour sa santé personnelle d’abord mais aussi pour l’environnement. L’on sait qu’il faut une quantité énorme de céréales, d’eau et engrais pour nourrir ces animaux afin de répondre à cette demande sans cesse croissante. Donc, quantité d’eau et d’espace disponible pour la culture de ces mêmes céréales, au détriment des cultures classiques, pourtant tout aussi nourrissante. On sait que l’élevage de certains animaux comme le transport qui s’en suit sont tout aussi responsables que nos véhicules et usines des émissions de CO2. Ainsi, permettre à chacun de se nourrir de viande chaque jour n’est tout bonnement pas possible, les terres nécessaires seraient disproportionnelles et l’eau et les céréales manqueraient.

Mais un paramètre est souvent occulté : celui de la santé de l’animal.

Le halal, plus qu’un simple acte rituel

Ses conditions de détention, la nourriture qu’il reçoit, le temps de vie qu’on lui accorde, la façon dont il est transporté puis emmené dans les couloirs de l’abattoir. Autant de paramètres tout aussi importants que l’abatage à proprement parler. Une viande halal est une viande permise, car provenant d’un animal licite et abattu conformément au rituel islamique. Un animal licite et égorgé face à la Qibla au nom d’Allah, mais mal nourri, détenu en cage toute sa vie, froidement tué avant l’âge après avoir été trainé avec des centaines de ses congénères dans de sombres couloirs donne-t-il une viande halal ? Pas si sûr. Et ne parlons même pas de ce supposé foie gras halal… Véritable ineptie.

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L’abatage a son importance comme le traitement accordé à l’animal. Mais dans un monde où tout ce qui pourrait être sujet à l’horreur et à la mort est cloisonné et écarté des regards, peu de gens seront très regardants la dessus. Leurs souffrances se passent loin des yeux et des caméras, nous ne tuons plus nos bêtes, quelqu’un le fait pour nous et nous ne voyons rien de ce qu’elle aurait pu subir jusque là. Tout ce qui nous reste à faire est de le choisir sous un joli emballage dans un rayon bien frais. J’achète, je sais que c’est pas bien, mais j’achète quand même. Si nous avions tous la possibilité de voir tout ce qui est fait pour que l’on puisse retrouver autant de viande, pas cher, dans nos rayons, pour sûr, nous en consommerions moins. Mais l’Homme aime se cacher derrière sa soi disant ignorance et ses impératifs pour se rendre la vie moins complexe.

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Une qualité douteuse

Et la qualité de ce qu’on mange dans tout ça? L’an dernier, une grande marque halal décida de renoncer à la VSM dans ses saucisses. Ses prix augmenteront mais qu’importe, plutôt la qualité que la quantité, mais peu de ses concurrents suivirent. La VSM, pour viande séparée mécaniquement, est ce principe qui consiste à récupérer les restes de la carcasse pour en détacher tous les résidus de tissus encore accrochés aux os. S’en suit un beau mélange, une sorte de bouillie ignoble dans laquelle produits chimiques, colorants, eau et sel sont rajoutés pour en donner du volume. Plus vraiment de la viande en fin de compte. Mais pire que ça, il y a la présence de tissus nerveux, possiblement infectés, susceptibles de finir dans la mixture. Des tissus nerveux qui rappelons le, furent à l’origine de la transmission du virus de la vache folle à l’homme, il y a de ça quelques années. Si le procédé fut interdit concernant les bovidés, il reste toujours légal pour les autres. Jusque la prochaine crise sanitaire ?

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Vous reprendrez bien un peu de cachir?

Pour le reste, les animaux abattus selon le rite islamique provenant des mêmes fermes que les autres ne sont pas à l’abri de se voir nourries avec tout ce que l’industrie agro-alimentaire peut produire de pire. Farines animales, médicaments, OGM… La liste est longue.

Des certifications qui n’en sont pas

Doux qui vend des poulets faussement halal jusqu’à La Mecque, Herta chez qui nous retrouverons du porc dans ses knackis, vendeurs au marché de Rungis trompant leurs consommateurs, les affaires se suivent et se ressemblent. Récemment, c’est la Mosquée de Paris qui rampera tout accord commercial avec la SFCVH après avoir découvert de lourdes fautes dans l’exécution du contrat.

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Bernard Godard, chargé de mission au bureau central des cultes du ministère de l’intérieur, explique alors que:

 »(les mosquées de Paris et d’Evry) réalisent des audits. On n’est donc pas dans une vérification systématique. Des produits non halal peuvent entrer dans la composition des produits. SFCVH-Mosquée de Paris regroupe une dizaine de personnes sous contrat avec des fournisseurs pour la cession de documents de certification, qui peuvent être signés par des non-musulmans. Ces certifications ne sont donc pas très sérieuses. Celle de Lyon l’est davantage. »(3)

En 2011, c’est un reportage réalisé par Feurat Alani et Florent Chevolleau qui jettera un véritable pavé dans la marre en dénonçant de l’intérieur, la supercherie de ce marché détenu par des gens plus soucieux de leurs bénéficies qu’autre chose. De nombreux industriels devront alors prendre des mesures drastiques. Mais de nouvelles affaires de porc retrouvé ces dernières semaines dans certains produits nous avertit que la bataille est loin d’être finie.

Manger autrement

Face à cela, de plus en plus de distributeurs et bouchers cherchent à se ravitailler chez des fermiers et éleveurs locaux, moins importants en taille, et plus soucieux du bien être de leur bétail. Un bétail bien traité, bien alimenté est aussi une viande de meilleure goût et plus nutritive. Et cela répond à une demande qui tend à s’intensifier également. Mais c’est une viande bien entendu plus cher. Là est tout le dilemme, continuer à manger de la viande tous les jours, moins bonne, parfois même dangereuse pour la santé et causant tant de troubles environnementaux et sanitaires, ou accepter d’en manger moins quitte à la payer plus cher?

La plupart des musulmans savent que le Prophète, paix et prière sur lui, ne se nourrissait parfois que de dattes et de lait durant des semaines, qu’il lui arrivait de n’allumer de feu dans son foyer pendant 3 mois. Sa consommation de viande était très maigre bien qu’il aimait cela. Les musulmans le savent, mais s’ils sont les premiers à se laisser pousser la barbe ou à porter le qamis du lundi au dimanche, ils s’empressent déjà beaucoup moins à le suivre sur le plan alimentaire.

Manger halal est ainsi bien plus complexe que de se nourrir de la première bête abattue après un bismiLlah face à la Qibla. L’animal doit être respecté, nourri de bonnes choses, et sa vie doit lui être ôtée, proprement, par une personne de confiance, loin de la folie des abattoirs en série. Entre les organismes plus que douteux dans leur méthode d’abatage, la qualité de la viande servie et le traitement infligé à l’animal avant sa mort, le musulman se doit d’être plus qu’attentif à ce qu’il mange.

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Si les mentalités changent chez les plus jeunes, c’est tout un chantier qu’il reste à construire. Amener les musulmans à manger moins tout en payant plus cher sa viande, voilà une chose que beaucoup auront du mal à faire. Mais il va de la vie de leurs descendance, de la protection de l’environnement, du bon sens et du respect de leur propre religion que de le faire. Revenir à une consommation exceptionnelle de la viande, n’en consommer que celle élevée biologiquement, là est peut-être la seule solution plausible à long terme? Voilà aussi un beau message que les musulmans pourraient porter à ceux pensant l’islam si dur et sanguinaire avec ces moutons de l’Aïd, Brigitte Bardot en première ligne.

Le bon comportement, ce n’est pas qu’avec ses homologues humains, c’est aussi avec la nature et les animaux qui la compose, y compris ceux finissant dans nos assiettes!

(1)http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/06/08/que-represente-le-marche-du-halal-en-france_4943058_4355770.html

(2)http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/06/08/que-represente-le-marche-du-halal-en-france_4943058_4355770.html

(3)http://www.halalbook.fr/actufiche-17-7125.html

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