Quand le gouvernement se radicalise

 

Depuis un bon moment, la France semble être le dernier endroit où l’on aurait envie de venir passer ses vacances. Manifestations incessantes, terrorisme, islamophobie grimpante, et une gouvernance de plus en plus sévère. Certaines voix s’élèvent et crient à la radicalisation d’un Etat aux relents de plus en plus totalitaires. Retour sur quelques points.

Une loi et des matraques

Pour bien commencer l’année, le gouvernement, qui s’était présenté comme socialiste, annonce aux français une loi travail qui ne les aidera qu’à galérer un peu plus à garder leur emploi. Trois quart des français seraient contre, et à partir du 9 mars, ils manifestent. Le gouvernement n’y prête guère attention, et les manifestations se multiplient. Après seulement deux semaines, une vidéo mettant en scène un policier frappant violemment un lycéen fait surface. Va s’en suivre une véritable montée des violences, à tel point que médias et politiques n’auront de cesse de diaboliser le mouvement contestataire en pointant du doigt les écarts de quelques casseurs. L’épisode de la voiture de police attaquée et incendiée, policiers à l’intérieur, retiendra particulièrement toute l’attention.

Pourtant, si des blessés seront comptés du côté des forces de l’ordre, c’est du côté des manifestants que les dégâts seront les plus important. Des journalistes se voient matraqués, coursés par des hommes en bleu, d’autres se font tirer dessus au flashball à bout portant. Un homme sera victime d’une grenade anti-émeute et conduit dans une ambulance où on l’entendra hurler de douleur après que deux policiers soient rentrés avec lui. Une autre vidéo montrera une femme molestée et jetée à terre par un autre policier. La gaz lacrymogène est ironiquement élu saveur de l’année par des internautes, tant il sera abusivement utilisé pour disperser les foules.

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Le gouvernement persiste et signe, et Mr Valls use du 49,3 pour faire passer la loi sans qu’il y ait de vote. On croit rêver. Dans un même élan, la justice interdit à certains journalistes et opposants à la loi, le droit de pouvoir manifester et de s’approcher des rassemblements. Les violences continuent des côtés. Toute la classe politique et médiatique semblent de mèche : le problème ce sont les casseurs, et la CGT qui paralyse la pays. La loi, elle, est très bien, c’est juste que les français ne l’ont pas bien compris. Le 49,3, est jugé légitime par les mêmes qu’hier le considérait anti-démocratique.

De nouvelles manifestations, préalablement interdites, sont à suivre.

Un état d’urgence qui n’en finit plus

Au lendemain des attentats du 13 novembre, le gouvernement se décide à mettre en place l’état d’urgence. S’en suivra à ce jour près de 4000 perquisitions dont seulement 600 environ donneront lieu à l’ouverture d’une procédure judiciaire. Notons que les trois quart porteront sur des motifs liés à la détention d’armes et de stupéfiants, sans aucun lien avéré avec le terrorisme. C’est autour de 60 personnes qui finiront en prison et près de 500 individus qui se verront assignés à résidence. Seule une mosquée sera fermée.

La loi actuelle accorde ainsi des pouvoirs considérables au ministre de l’Intérieur et aux préfets pour s’en aller à des perquisitions de domiciles et locaux, ainsi que pour restreindre la liberté de mouvement d’individus sans autorisation judiciaire. Outre les faibles résultats, ce sont surtout la violence dans laquelle se sont conduites ses perquisitions et les dégâts moraux et économiques causés qui seront pointés du doigt.

 »En janvier 2016, Human Rights Watch a mené des entretiens auprès de 18 personnes qui ont indiqué avoir été soumises à des perquisitions abusives ou assignées à résidence, ainsi qu’auprès de représentants d’associations de défense des droits humains et d’avocats travaillant dans les zones touchées. Les personnes prises pour cible ont expliqué que la police a fait irruption dans leurs domiciles, restaurants ou mosquées, ont brisé des biens personnels, terrifié des enfants et imposé des restrictions si sévères sur leurs déplacements qu’elles leur ont fait subir des pertes de revenus ou des souffrances physiques. »(1)

La Ligue des droits de l’homme, les Nations Unis, le Défenseur des droits, Amnesty International ; tous dénoncent à leur tour les risques que ce régime d’exception fait peser sur les libertés. Le gouvernement socialiste ne l’entend pas de la même oreille, l’état d’urgence est même prolongé à deux reprises par l’assemblée nationale.

 »Amar, perquisitionné le 16 novembre, résume en deux phrases le piège dans lequel il se retrouve : Il me semble que si vous affichez votre religion […], vous pouvez être considérés comme « radical » et donc pris pour cible. Si l’on s’efforce de ne pas trop afficher sa religion, ils pensent que l’on a quelque chose à cacher. Nous ne savons pas qui nous devons être, comment nous devons nous comporter. »(2)

Lors d’une perquisition, des agents ont cassé quatre dents à un homme en situation de handicap avant de se rendre compte qu’il n’était pas la personne qu’ils recherchaient. Dans un autre cas, les enfants d’une mère célibataire ont été placés en famille d’accueil à la suite d’une perquisition.(3)

Le 7 janvier, c’est en effet une quarantaine hommes du GIGN qui pénètrent le domicile de Myriam Naar à la recherche d’armes. Ils repartiront les mains vides. Outre le choc moral, ils ne lui auront aucunement accordé le droit de mettre son foulard et de s’habiller dignement. Ces deux enfants sont depuis 6 mois placés en famille d’accueil, et ne peux les voir que le week-end.

 »Lors d’une perquisition effectuée juste avant l’aube le 19 novembre à Nice, les policiers ont blessé une fillette de 6 ans pendant son sommeil en tirant des coups de feu pour faire sauter les verrous de la porte de l’appartement, projetant des fragments de bois à travers toute la pièce, dont certains ont touché la fillette au cou et à l’oreille. La police n’a rien trouvé dans l’appartement, qui s’est avéré être la mauvaise adresse. »(4)

Une mosquée, celle d’Aubervilliers, a aussi été saccagé lors d’une perquisition plus que musclée. Coran jetés à terre, tapis arrachés, mobilier brisé. Ils ne trouveront rien.

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Le gouvernement avait même prévu d’inscrire le droit à recourir à l’état d’urgence dans la constitution et de permettre la déchéance de nationalité à toute personne jugée pour terrorisme, avant de faire machine arrière. L’état d’urgence est toujours en cours.

Une laïcité de plus en plus dogmatique

Depuis les attentats de Charlie Hebdo, le gouvernement ne cesse de durcir le ton ou de laisser celui-ci se durcir, avec encore une fois sa minorité musulmane lorsqu’il s’agit de laïcité. La vanne est ouverte et les propos se font de plus en plus intransigeants.

Pèle mêle, en quelques semaines ce sont Laurence Rossignol, Manuel Valls et des personnalités influentes telle que Elisabeth Badinter ou Nicolas Sarkozy qui se prononceront outrageusement contre le voile. Interdire et encore interdire. Là où la loi de 2004 était présentée comme permettant à de jeunes adolescentes de pouvoir se construire sans s’effacer sous un voile, les mesures proposées visent désormais des adultes consentantes et en pleine possession de leurs moyens.

Mais la traque ne s’arrête pas qu’au voile. Printemps 2015, une adolescente est exclue pour port de jupe trop longue. Elle serait trop ostentatoire. La ministre de l’éducation soulignera le discernement des responsables de l’établissement. Quelques mois plus tard, c’est toute une enquête qui mettra en avant la montée du radicalisme dans les clubs de sport. Des joueurs prierait et refuseraient de se doucher nus devant les autres… Des marques de prêt à porter lanceront une campagne visant les femmes musulmanes. Accueillie partout sans problèmes, la pilule ne passera pas en France. Une même enseigne se permettra ainsi de proposer une ligne de vêtements islamiques dans ses magasins en Angleterre, mais pas en France. La France est un pays laïque nous rétorquera t-on.

On en fait une matière à l’école, une morale. Charlie Hebdo s’invite d’ailleurs dans les manuels scolaires et de fastes éloges sont faites au blasphème et à la neutralité religieuse sur les plateaux télé. Une charte de la laïcité est même instauré dans un hôpital interdisant aux clients de revêtir un signe religieux. En plein débat sur la loi travail, le Sénat adopte aussi un amendement visant à proposer la neutralité religieuse au travail dans le règlement intérieur après accord d’entreprise. Au même nom de la laïcité une commune ira jusqu’à interdire les menus sans porc…

L’Etat fait dans la véritable chasse aux sorcières, traquant la moindre visibilité religieuse chez ces citoyens. Chasse facilitée par la crainte du terrorisme et du radicalisme associé. Un radicalisme que l’on soupçonne dès l’instant où le ou la musulman(e) laisse dégager un semblant de religiosité dans ses actes et son apparence. Face à la montée du fait religieux, les institutions brandissent à chaque fois que l’occasion leur est donné la carte de la laïcité. Le voile, la prière, la barbe ou le halal deviennent des atteintes à la paix, à la cohésion sociale, il faut plus de neutralité.

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Tel de véritables fanatiques religieux, de plus en plus de personnels du corps enseignant, d’hommes et de femmes politiques et d’intellectuels, s’accaparent la parole afin de pousser la France a plus de laïcité. Devenu véritable religion d’Etat, les musulmans se sentent de plus en plus étouffés par des mesures et discours ciblant leurs moindre faits et gestes. Véritable enjeu électoral, chaque campagne est ainsi devenu l’occasion de voir les candidats se concurrencer à qui se fera le plus laïque. L’année qui vient nous promet du beau spectacle…

La France, une dictature arabe comme une autre

Ce qui est d’autant plus inquiétant est bien que les français soient majoritairement opposés à la loi travail, contre la prolongation de l’état d’urgence et opposés à la discrimination à l’égard des musulmans ; ils approuvent néanmoins pour la plupart la répression policière, l’assignation à résidence ou plus pour les fichés S, et se montrent totalement favorables à une laïcité encore plus moralisante et neutralisante.

Un regard tout aussi inquiet peut être porté sur l’état de la liberté d’expression dans ce pays. Si certains peuvent cracher leur haine tout en se faisant acclamer, d’autres ne jouissent absolument pas du même droit. Dieudonné, après plus d’une décennie de tribulations judiciaires, va finir par aller en prison, pour s’être dit Charlie Coulibaly… Un avocat, maître Riper a été suspendu et interné d’office dans un hôpital psychiatrique pour son insolence. Les imams sont invités à signer une charte à Béziers leur interdisant l’usage de l’arabe et la lecture de certains ouvrages. Un prof de philo avait été inquiété par la police pour ne pas s’être montré très Charlie. Une jeune musulmane, détenant de la propagande daeshiste a été condamnée elle, à 3 ans de prison ferme, sans qu’aucune autre charge ne soit retenue contre elle. L’apologie du terrorisme n’aura ainsi en un an et demi jamais envoyer autant de gens devant les tribunaux.

Prime Minister Valls political speech in Parliament

D’un point de vue purement politique, Manuel Valls a même signaler qu’il suspendrait le principe démocratique si le FN venait à pouvoir prendre le pouvoir. JF Coppé a déjà proposer de faire passer son programme ultra libéral dont il ne sait que personne n’en voudra en plein été, évitant ainsi les manifestations qu l’on connait aujourd’hui. D’autres souhaitent la création de camps d’internements pour tous les fichés S. La liste est longue et les exemples ne manquent pas.

De nombreuses organisations tirent la sonnette d’alarme. Elles dénoncent le totalitarisme d’un système qui prend forme. Si ce n’est pas encore la Corée du Nord, il va falloir s’habituer à ce que l’Etat français puisse prendre, quand il le juge nécessaire, certaines mesures n’ayant rien à envier aux dictatures que l’on dénonçait il y a encore peu, et réprimer dans la violence les casseurs qui lui feront front.

Fait révélateur, les migrants, d’où qu’ils viennent, ne cherchent depuis longtemps plus à venir, ou à rester en France quand ils y passent. Les étudiants étrangers repartent, les locaux immigrent. Sa politique, sa laïcité intransigeante, son racisme sous-jacent, ses infractions régulières en terme de droit ne la rendent décidément plus si attractive que cela, et le monde entier commence à le savoir…

(1)https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/03/france-abus-commis-dans-le-cadre-de-letat-durgence

(2)http://www.liberation.fr/france/2016/02/04/etat-d-urgence-la-grande-majorite-des-mesures-prises-ont-touche-des-musulmans_1431072

(3)https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/03/france-abus-commis-dans-le-cadre-de-letat-durgence

(4)https://www.hrw.org/fr/news/2016/02/03/france-abus-commis-dans-le-cadre-de-letat-durgence

 

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