Lords of War

Des anciennes républiques communistes à la Syrie, des rebelles congolais aux miliciens iraniens, les armes se confondent entre les mains des plus envieux. Leurs combats diffèrent mais les armes sont les mêmes. Les fabricants et fournisseurs aussi.

Un marché lucratif

S’il y a bien des individus se frottant les mains à l’annonce des conflits naissants et répressions internes récurrentes, ce sont bien eux, les fabricants et vendeurs d’armes.

Avec l’intensification des combats au Moyen Orient et des tensions en Mer de Chine (qui pour le moment n’intéresse pas grand monde ici), le montant des recettes liées au business de l’armement n’a fait que monter depuis 4 ans.

65 milliards de dollars. C’est ce qu’a rapporté la vente d’équipements militaires et d’armes en tous genres en 2015. Un montant en progression de 11% sur un an.

L’Inde est encore le plus gros client, et de loin. S’en suivent les saoudiens, chinois et émiratis. La Chine est une puissance en constante progression, cherchant à s’imposer dans la région. L’Inde a le Pakistan et surtout aucune production d’armes à son actif. Les saoudiens et émiratis ont Daesh, mais aussi une sortie du pétrole à prévoir, et donc de futurs vautours à éloigner de leurs corps mourants.

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Les vendeurs, eux, sont sensiblement les mêmes depuis l’industrialisation de l’armement à la fin de la seconde guerre mondiale. Si les américains restent les premiers, ils sont aujourd’hui suivis par les russes, les chinois puis par les français, passés devant les pacifistes allemands.

Dans cet étrange balai, on peut apercevoir l’Allemagne fournir massivement Israël et l’endettée Grèce, et britanniques, américains et français se faire les plus gros pourvoyeurs en équipement de défense des États de la péninsule arabique.

La Chine, troisième exportateur, est aussi l’un des plus gros importateurs actuels. Deuxième client de la France, elle est pourtant toujours frappée d’un embargo sur les armes, décidé par les Etats-Unis et l’union européenne après les événements de Tiananmen en 1989. À l’autre bout du monde, en plein printemps arabe, les pays concernés purent tout aussi intensifier leurs commandes auprès des occidentaux sans aucun problème, malgré les flagrantes violences étatiques.

L’UE s’était pourtant mise d’accord à plusieurs reprises sur certains critères en s’empêchant de fournir de l’équipement militaire à des Etats qui violeraient les droits humains ou représentant une menace à la stabilité et à la paix dans leur région respective.

Le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) explique cette attitude incohérente par le fait que la définition de l’embargo européen  »n’est pas claire et laisse des marges de manœuvre » aux pays concernés. Du materiel militaire peut être vendu, transformé en matériel civil, et vice versa. Un pays gênant, peut aussi être ravitaillé car bon allié dans la lutte anti-terroriste.

De bons porte-monnaies également? Assurément oui, mais les concernés préfèrent éviter ce volet. C’est plus vendeur et politiquement correct.

La France, bientôt le plus gros dealer du monde?

Après une année 2012 très calme avec seulment 4,8 milliards d’euros de recette, les chiffres n’ont cessé de progresser. 6,8 milliards en 2013, 8,2 milliards en 2014, pour doubler en 2015. La France a ainsi profité de l’effacement relatif des Etats-Unis au Moyen-Orient, pour intensifier son commerce avec le monde arabe.

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Serge Dassault en compagnie de son collègue de bureau François Hollande

Des avions de combat Rafale au Qatar, des navires hélicoptères Mistral, encore des Rafale et des frégates Fremm à l’Egypte. Sans oublier les énormes contrats conclus avec l’Arabie Saoudite évalués à 10 milliards d’euros récemment. Elle a aussi vendue des blindés au Gabon et encore une fois des Rafale à l’Inde.

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Pompiers pyromanes de père en fils

Si les chinois continuent leur politique non interventionniste et n’ont pas encore investi de territoires étrangers l’arme à la main, il ne peut échapper aux yeux de tous que les mêmes que l’on voit les plus investis dans le rôle de gendarme du monde, sont aussi ceux fournissant le plus souvent le bâton dans la main du vilain à châtier. 

Selon les observateurs, Daesh possèderait des armes venant de plus de 25 pays. Nombreuses sont celles ayant été récupérées des forces irakiennes et syriennes sur place, quand d’autres ne leur furent tout simplement pas attribuées de fait par les recrues ayant désertées le camp ennemi.

Un camp ennemi allègrement armé par les occidentaux et leurs voisins moyen orientaux, déjà clients des occidentaux. Voilà pourquoi dans les vidéos HD des daeshistes en herbe nous pouvons remarquer de très récentes armes et de très récents véhicules venus tout droit des usines françaises et américaines, alimentant ainsi tout un tas de théories complotistes en tous genres.

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Idem dans les multiples conflits parsemant ou ayant parsemé l’Afrique et l’Amérique du Sud jadis. Ne fabriquant pas d’armes, il fallait bien quelqu’un pour leur en fournir. Américains, israéliens et français s’en sont ainsi donnés à cœur joie. Deux camps ennemis pouvaient alors se ravitailler chez un même fournisseur sans problême.

Peu avant l’invasion française en Libye, ce sont des armes par centaines qui seront envoyées aux rebelles anti-Kadhafi. Des armes qui maintenant servent à tous les crimes possibles dans le désert saharien.

Ceci sans compter le commerce parallèle, et ses multiples trafiquants. On se souvient du plus illustre d’entre eux, Viktor Bout, qui inspira le rôle joué par Nicolas Cage dans Lord of War. Profitant de sa compagnie aérienne et de cargo, il arma les plus énigmatiques dictateurs et chefs de guerre divers, en fournissant parfois les deux camps adverses. Une activité qui n’empêcha pas la France de bénéficier de son aide pour acheminer ses soldats au Rwanda en 1994, où à l’ONU d’envoyer humanitaires et agents en Somalie l’année précédente. Ils ne devaient probablement pas encore bien connaître le bougre…

Quand on envisage difficilement de pouvoir prendre un avion avec un simple couteau suisse, lui pouvait faire passer des missiles sol-air et des Kalachnikov sans embuches. Allez comprendre.

Le chaos apporte aussi ses fruits

Il est tout à fait normal, les conflits étant inévitables, que les États cherchent à se fournir en équipement militaire, et que d’autres cherchent à leur en vendre. Ce qui est déplorable est l’attitude de ces derniers.

Peu regardants sur leurs clients, encore moins sur les possibles transferts d’armements qui peuvent s’en suivre, les premiers signataires de chartes et lois restreignant la prolifération des armes sont pourtant les premiers à en vendre et à en faire l’utilisation ailleurs.

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Militaire français au Mali

Empêchant l’acquisition de la bombe nucléaire à autrui, attaquant le moindre État usant de violence à l’égard de l’un de leurs points de chutes stratégiques, condamnant d’autres à une série d’embargos asphyxiant empêchant parfois toute sortie de crise ; les occidentaux se font à la fois trafiquants et gendarmes.

Ils vous vendent des armes, mais vous attaqueront en cas de mauvaise utilisation, ou armeront vos ennemis le cas échéant. Ils vous feront la morale, crieront à la négligence humaine mais en échange de quelques milliards, alimenteront votre armée d’avions et de missiles dernier cri.

Sachant qu’une guerre, au delà de la simple vente d’armes, ça rapporte énormément (reconstruction/appels d’offres/implantation de multinationales) il est parfois tentant de penser les Etats trafiquants bien plus malins qu’ils ne veulent bien nous le laisser entendre.

En faisant circuler les armes, ce sont des conflits que l’on alimente, et des conflits, c’est une possible intervention. Et une intervention, c’est une main mise sur le vaincu, ses ressources, de multiples investissements au demeurant et des placements stratégiques de choix.

Si les français souhaitent ralentir la progression des terroristes en tous genres, qu’ils commencent déjà par interrompre la vente d’armes en direction des pays sensibles, car susceptibles de voir l’armement en question tomber en de mauvaises mains. Il serait aussi judicieux de cesser de prendre le monde arabe et africain pour une place de jeu géante, en armant les uns, boutant les autres, accumulant les volte face et stratégies diverses.

Ce marché de l’armement, sans limite, sans raison, ne fait qu’intensifier les troubles où les armes en question trouvent preneur.  Les exemples sont nombreux. Du Rwanda à la Libye, de l’Irak à la Somalie, les balles françaises ont déjà fait plusieurs centaines de milliers de morts.

À quel prix? Demandez à Mr Driand, il sera ravi de vous sortir sa feuille comptable.

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