Pendant ce temps au Darfour

 

 

Il y a quelques mois, un référendum eut lieu au Soudan donnant la victoire écrasante au oui au maintien d’un Darfour en cinq états. Pour cause, il fut boycotté par l’opposition, ayant dès lors repris les hostilités à l’égard du gouvernement de Khartoum. Mais la crise syrienne, le conflit israélo-palestinien et le terrorisme musulman mondialisé a fait de ce territoire perdu un énième oublié de l’histoire.

Pourtant, il y a une douzaine d’années, on ne parlait que de cette terre, grande comme la France peuplée de 6 millions d’âmes. En 2003, des groupes armés, se sentant marginalisés par Khartoum, lancèrent l’offensive contre l’autorité en place. Le gouvernement s’appuiera sur des milices arabes pour mater la rébellion issue des franges noires et pauvres du pays. La situation devient catastrophique, d’autant plus que le pays traverse une longue période de sécheresse de plus en plus intense. Si les groupes armés de l’opposition feront de nombreux morts parmi les civils, les témoignages cibleront le plus souvent les milices pro-gouvernementales. En 4 ans, le conflit fera entre 300 et 400 000 morts et quelques 2,5 millions de déplacés selon l’ONU. Le président soudanais est aussi depuis 2009 sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre mais aussi pour génocide.

Un conflit lointain

Le Darfour (Dar Foor – maison des foor, du nom d’une famille régnante passée), région ouest du Soudan, est islamisé au XIVème siècle. Conquis par l’Egypte au XIXème siècle puis placé sous tutelle britannique jusqu’à l’indépendance du Soudan en 1955, le territoire subira un découpage géographique de la part des anglais visant à redistribuer les terres selon des critères tribaux dont les nomades furent exclus. Avec l’avènement de le sécheresse démarrant dans les années 40, de nombreux nomades prirent alors la direction des montagnes plus fertiles. S’en suivit les premiers conflits entre paysans locaux, noirs, et les nomades, arabes, au début des années 80. Selon Mahmoud Mamdami  »le conflit au Darfour ne résulte pas d’une opposition entre population noires et arabes mais entre ceux qui ont des terres et ceux qui n’en ont pas. »(1)

Sous ces aires de conflit ethnique se cache ainsi une guerre aux origines bien plus économiques qu’autre chose, démarrant aussi en amont de sa sur-médiatisation.  »Par ailleurs, les projets de développement de l’agriculture ont fait diminuer les voies de transhumance et les pâturages, transformant les rapports entre les différents groupes en un conflit pour la terre. Selon les non arabes, la terre est la première cause du conflit et évoquent la volonté des arabes de la leur déposséder. La conjugaison de ces éléments a entraîné l’accroissement de la population, synonyme de lutte pour la terre. »(2) Au même moment, l’Etat, de plus en plus endetté, est englué dans son conflit avec le sud à majorité chrétienne et animiste. Le Darfour passe ainsi en second plan jusqu’en 2003. Entre temps, l’embargo américain aura aussi aggravé la situation, empêchant une correcte protection des frontières, ne pouvant ainsi stopper la propagation d’armes, alimentant de surcroît les conflits tribaux.

 »Cette interconnexion socio-économique et culturelle rend caduque la vision d’une guerre entre arabes et noirs. Elle est l’expression d’une volonté de survie et celle de répondre à la modification et à la mutation de l’environnement écologique de la région. »(2)

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Une situation bloquée

C’est en partie grâce au mouvement associatif Sauvons le Darfour, parrainé par Georges Clooney, que la région attirera les regards. Malgré un certain pouvoir de persuasion, le mouvement se verra bloqué ses intentions par l’égoïsme économique et politique des grands de ce monde. Prendre part à un conflit, ce sont des risques, diplomatiques et militaires mais aussi beaucoup d’argent à se faire. Et beaucoup s’en feront.

 »Tandis que des sociétés russes, chinoises et biélorusses ont vendu des avions militaires et des composants à Khartoum, des blindés et autres véhicules militaires sont arrivés de Pologne, de Biélorussie et de Russie. Des grenades, des fusils, des pistolets, des munitions et d’autres fournitures militaires sont venus de Chine, de France, d’Iran et d’Arabie saoudite. Les courtiers en armements ont joué leur rôle néfaste, dénichant au Royaume-Uni et en Irlande des sociétés désireuses de fournir des avions militaires, des véhicules et des pistolets »(3).

Chinois et russes, opposant leur véto à toute intervention, seront parmi les plus gros pourvoyeurs d’équipement militaire. En parallèle, la découverte de pétrole au Sud Soudan à la fin des années 70 attira toute l’attention des groupes pétroliers, notamment américains. Une grosse rentrée d’argent qui aida le gouvernement américain à correctement fermer les yeux sur les exactions commises dans la région comme au Darfour ensuite.

Et demain?

Les combats ont repris en ce début d’année et peu de perspectives semblent être envisagées par le pouvoir encore en place. Pour la plupart des habitants du Darfour, l’exil est ainsi devenu un véritable mode de vie, désormais, même les populations noires se sont malgré elles converties au nomadisme. Certains expliquent aussi que l’une des causes essentielles de ces conflits incessants réside dans le faible sentiment d’appartenance nationale. Chacun s’enfermant dans sa tribu, il est difficile pour le gouvernement d’ainsi fédérer une population dont le sentiment d’unité semble inexistant.

Affaire à suivre, dans l’ombre des crises voisines.

1 http://www.books.fr/le-darfour-champ-de-bataille-ideologique/
2 http://www.institutidrp.org/contributionsidrp/article%20Soudan.pdf P.11
3 http://www.institutidrp.org/contributionsidrp/article%20Soudan.pdf P.11
4 https://www.monde-diplomatique.fr/2006/06/DYSON/13574

 

 

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